Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
femme si fragile
rudoyée par son époux, et elle considéra lord Westbury sans aménité. Rupert de
son côté l’observait également et son visage exprimait toute une palette
d’émotions, de la curiosité à la crainte en passant par la colère.
Il
ne tarda pas à se reprendre et engagea la conversation sans s’embarrasser de
préambules :
– Quel est le but de votre
visite, Mrs. Ward ?
– Je vous l’ai dit :
m’entretenir avec vous de Sarah Ellison.
Malgré
son empire sur lui-même, Rupert ne put s’empêcher de tressaillir à l’évocation
de ce nom.
– Je
suis navré, Mrs. Ward, mais je ne puis vous aider. Je ne sais rien au sujet de
cette femme.
Cassandra
fut sidérée par tant d’aplomb. Le père de Julian la prenait-il donc pour une
sotte ?
– Pardonnez-moi,
Milord, mais j’ai vu un mouchoir portant vos armes qui indique sans l’ombre
d’un doute que vous la connaissiez puisque c’est vous qui le lui aviez donné.
Un
sillon se creusa sur le front de Rupert, qui se força néanmoins à rire.
– Un
mouchoir ? La belle affaire ! Je vous répète, Mrs. Ward, que je ne
compte aucune Sarah Ellison parmi mes relations.
– Pourtant,
insista Cassandra, votre épouse semblait très au fait de son existence.
Les traits de Rupert
prirent le tranchant du métal.
– Que
vous a raconté exactement lady Westbury ? demanda-t-il après un silence lourd
de fureur contenue.
Cassandra
se mordit les lèvres. Par sa faute, nul doute que lady Westbury allait essuyer
les foudres de son époux. Même si elle la rencontrait de nouveau par la suite,
ce qui au vu de la tournure que prenaient les événements semblait peu probable,
Wilhelmina refuserait certainement de lui en apprendre davantage.
Mais il était trop tard
pour faire marche arrière.
– Elle
m’a appris que Sarah Ellison s’appelait en réalité Sophia et qu’elle avait été
internée après l’assassinat de ses deux filles.
Rupert encaissa le coup
sans broncher.
– Ma
femme parle trop, rétorqua-t-il d’un ton glacial, et possède une fâcheuse
tendance à dramatiser. Ne prenez pas ses propos trop au sérieux.
À bout de patience,
Cassandra se leva pour lui faire face.
– Si
vous savez quelque chose à propos de Sarah Ellison, vous devez m’en faire
part !
– Et
pourquoi cela, Mrs. Ward ? interrogea-t-il d’un air hautain. Qui
croyez-vous être exactement ?
– Une
femme qui ressemble trait pour trait à votre amie Sophia, comme en témoigne
votre malaise de tout à l’heure… rétorqua Cassandra sans se démonter.
J’espérais que vous pourriez m’aider à éclaircir ce mystère.
– Je
vous le répète, je ne peux rien pour vous. Je vous conseille de prendre congé à
présent.
– Cette
vérité que vous me refusez, d’autres me l’apprendront, argua-t-elle en
désespoir de cause.
– Vous faites erreur.
Partez maintenant.
– Mais…
– Ne
m’obligez pas à vous faire chasser par mes domestiques, l’interrompit-il d’une
voix sourde.
Cassandra
pâlit, en même temps qu’une terrible frustration montait en elle. Quoi, cet
homme si imbu de sa personne avait peut-être la clé de son passé entre les
mains et il refusait de lui parler ? Elle était si près du but, et
pourtant il lui semblait plus inaccessible que jamais. Si Cassandra avait été
d’une nature moins fière, elle aurait peut-être pleuré et supplié, mais elle
serait morte plutôt que de s’humilier ainsi. Aussi se contenta-t-elle de
déclarer, très raide :
– Nous n’en avons pas
fini, lord Westbury.
– Je crains que si, Mrs.
Ward. Adieu.
Cassandra
n’eut d’autre choix que de ravaler sa colère et d’abdiquer temporairement.
Lorsqu’elle eut quitté la maison, Rupert, que ses jambes soutenaient à peine,
sonna deux valets de confiance.
– Suivez
la femme qui vient de sortir et rendez-moi compte de tous ses faits et gestes.
Puis
il s’assit à un secrétaire, rédigea un court billet d’une main tremblante et
appela un autre domestique :
– Portez
ce pli à lord Greystone et dites-lui de venir me voir de toute urgence. Nous
avons un problème.
XX I
Ébranlée
par l’échec de son entrevue avec lord Rupert Westbury, Cassandra regagna son
manoir de fort mauvaise humeur. La soirée était loin d’être terminée cependant.
Elle
prenait le thé dans son petit salon, regardant sans les voir les guirlandes de
feuillages du tapis d’Aubusson, quand Stevens vint
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