Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
mère. Je compte lui rendre visite et récupérer
la deuxième gravure.
Cassandra le considéra
avec ahurissement.
– Trois
tableaux dont par le plus grand des hasards un se trouve chez moi et l’autre
chez vos parents ! Et je ne parle pas du fait qu’Aerith ait choisi
précisément la nuit durant laquelle Angelia s’est enfuie de l’asile de
Reinfield pour réapparaître.
– Je
suis d’accord avec vous, approuva Julian, cela fait beaucoup de coïncidences.
J’ignore ce que sont les gravures d’Isis et leur utilité, mais j’hésite à les
remettre à Aerith. J’ai l’impression d’être un pion sur un échiquier, toute
cette affaire semble un peu trop orchestrée à mon goût. Par qui, là est toute
la question.
– Mieux
vaut en effet être prudent et ne pas prendre de décision hâtive. Aerith ne vous
a-t-elle rien appris sur ces gravures ?
– Non,
elle a refusé d’en parler, arguant toujours du « secret d’Etat »,
fit-il, l’air peu convaincu.
– Où est-elle, à
présent ?
Les traits de Julian se
durcirent.
– Elle
est partie, bien sûr. Croyez-vous que je l’aurais laissée demeurer à Lynton
Hall après ce qui s’est passé avec Gabriel ?
Cassandra
ne put contenir plus longtemps l’indignation qu’elle refrénait depuis son
arrivée.
– Comment
osez-vous vous défausser ainsi ? attaqua-t-elle. Je ne pense pas qu’Aerith
soit seule coupable !
Julian se raidit.
– Je ne souhaite pas
aborder ce sujet.
– Ce que vous avez fait
est inexcusable, persista Cassandra.
– Ce
que moi j’ai fait ? répéta-t-il d’un ton où l’incrédulité le
disputait à l’irritation.
– Parfaitement.
Vous vous êtes conduit de façon ignoble avec Gabriel. Renouer sous ses yeux
avec votre ancienne femme était égoïste et cruel. Vous me décevez beaucoup,
jamais je ne vous aurais cru capable d’un tel comportement !
Julian
fut d’abord trop sidéré pour répondre. Puis la colère finit par l’emporter et
il serra les poings.
– Est-ce lui qui vous a
raconté cette infamie ? gronda-t-il.
Il
s’obstinait à ne pas prononcer le nom de Gabriel. Sous la rage, Cassandra crut
cependant distinguer une pointe de douleur. Mais déjà Julian s’était repris et
n’affichait plus qu’une froide impassibilité.
– Non,
il ne m’a rien dit de tel, riposta la jeune femme, mais ce n’était guère
difficile à deviner.
– Eh
bien vous avez mal supposé, rétorqua Julian d’un ton dédaigneux. Vos assertions
sont aussi ridicules qu’insultantes.
– Alors aidez-moi à y voir
plus clair !
– Pardonnez-moi,
Cassandra, mais ce n’est pas votre affaire.
– Pourtant c’est chez moi
que Gabriel est venu chercher refuge…
Ils
s’affrontèrent du regard. Julian baissa les yeux le premier. Cassandra en
profita pour tenter de reprendre l’avantage.
– Pourquoi Gabriel a-t-il
quitté Lynton Hall ?
Julian
la fixa en silence. Les mots affleuraient à ses lèvres, mais les prononcer
semblait lui inspirer une profonde répugnance.
– Il
n’est pas parti de son propre chef, déclara-t-il enfin d’une voix à peine
audible. C’est moi qui l’ai chassé du château.
Cassandra en demeura
pantoise.
– Je ne comprends pas…
Julian
se détourna pour aller s’appuyer au manteau de la cheminée. Les yeux rivés au
feu qui crépitait dans l’âtre, il murmura :
– Les
choses ne se sont pas déroulées ainsi que vous l’imaginez. Ce n’est pas moi qui
l’ai trahi…
Il
se tut de nouveau, ne voulant ou ne pouvant s’expliquer davantage. Les flammes
mouvantes éclairaient par intermittence son visage torturé, et une inexprimable
compassion s’empara de Cassandra qui s’approcha de lui et posa une main sur son
bras.
– Julian, que voulez-vous
dire ?
Au
prix d’un terrible effort, mais toujours sans la regarder, son ami
souffla :
– Je les ai surpris
ensemble… Enlacés…
Cassandra lâcha son
bras.
– Gabriel…
avec Aerith ? C’est impossible, vous devez vous tromper.
– Oh
non, lâcha-t-il d’un ton âpre, la scène à laquelle j’ai assisté était dénuée de
toute ambiguïté.
– Cela
n’a aucun sens, voyons. Que vous a dit Gabriel pour sa défense ?
– Je
ne lui ai pas réclamé d’explications. Je lui ai juste ordonné de quitter Lynton
Hall sur-le-champ et de ne plus jamais y revenir.
Cassandra en eut le
souffle coupé.
– Vous…
vous l’avez chassé sans même lui
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