Le livre du cercle
à Paris, et pas avant.
Everard
acquiesça en grognant, mais le rappel de cette information sembla le détendre
un peu.
— D’après
toi, comment le troubadour est-il entré en possession du Livre du Graal ? demanda Hasan.
— Je
dois supposer que c’est lui qui a contraint le clerc à le voler dans nos coffres.
Hasan
n’avait pas l’air convaincu.
— Rappelle-toi
qu’à l’époque, nous pensions que celui qui l’avait volé devait être au courant
de l’Anima Templi et de nos objectifs. Ce que nous craignions pardessus tout,
c’était que cet homme s’en serve comme d’une preuve pour nous détruire. Si les
inquisiteurs ont raison, le troubadour n’a fait qu’adapter ton code pour en
tirer un roman autour d’une quête du Graal. Ce n’est sans doute pas ce que
ferait quelqu’un qui voudrait nous dénoncer et nous nuire, en particulier s’il
n’essaie pas de le relier au Temple. Qui sait, peut-être est-ce véritablement
un ange qui le lui a donné ?
— Je
n’y comprends rien non plus, Hasan. Mais si ce troubadour est responsable du
vol et qu’il est au courant de nos activités, il pourrait livrer aux
dominicains des informations cruciales. Ils utilisent des méthodes très
persuasives pour forcer leurs prisonniers à se confesser.
Everard
se leva et fit les cent pas avec animation.
— Il
aurait fallu que tu entendes ce Gilles, s’exclama-t-il, le visage tordu par la
colère. Dès qu’ils ne sont pas d’accord avec quelqu’un, ils le taxent d’hérésie
! On finirait par croire que ce sont les dominicains eux-mêmes qui ont écrit la
Bible, et non Dieu. Quand je pense à tous ceux qui meurent brûlés vifs parce
que leur opinion diffère de celle de l’Église... C’est eux qu’on devrait brûler
!
Les
joues d’Everard avaient pris des couleurs et sa cicatrice semblait palpiter
tandis que sa voix continuait à s’élever.
— Combien
de pères et de fils devront encore batailler pour satisfaire leur arrogance?
Combien de femmes doit-on transformer en veuves, combien d’enfants en
orphelins, au nom de Dieu ? Ils sont au service de leurs propres intérêts ,
conclut-il en secouant la tête.
— Frère,
tenta de le calmer Hasan.
Everard
se tournait vers lui.
— Qui
d’autre aurait pu accomplir ce que l’Anima Templi a accompli, Hasan ? Personne,
je te l’assure. Ils sont tous bien trop entichés de leurs propres désirs, de
leurs politiques et de leurs certitudes. Même l’Ordre auquel nous appartenons.
Sa
colère s’estompait quelque peu.
— Si
les dominicains mettent la main sur notre livre et découvrent nos plans, ils
nous détruiront. Ce que nous voulons réaliser va à l’encontre de tout ce que
professe l’Église. Ils ne comprendraient pas, Hasan. D’ailleurs, tu le sais
bien.
— Nous
avons quelques mois avant que Pont-Évêque n’arrive en ville. C’est un délai
suffisant.
— Il
faut que nous capturions ce troubadour. Malgré sa puissance, je ne suis pas sûr
que le Temple pourrait se dresser contre les inquisiteurs sans subir leurs
foudres. Même si le pape est le seul à pouvoir faire plier l’Ordre, il se
trouve qu’il écoute les dominicains.
Everard
ouvrit un grand coffre et en sortit une bourse pleine de pièces d’or.
— Si
ce Pont-Évêque est en possession du Livre du Graal, je veux que tu le lui
reprennes, dit-il en tendant l’argent à Hasan. Et s’il est responsable du
vol...
— Je
comprends, frère, le coupa Hasan. Le troubadour n’atteindra pas Paris.
Puis
il réfléchit quelques instants.
— Je
voulais te parler d’autre chose. J’attendais le bon moment, il est peut-être
venu.
Hasan
hésitait à continuer, ce qui impatienta Everard.
— Si
tu veux dire quelque chose, dis-le.
— Ton
sergent. Je me disais que tu devrais peut-être l’impliquer. Nous pourrions
avoir besoin d’aide. Maintenant que je suis à Paris, nos chemins vont se
croiser régulièrement et il me traite toujours avec une grande méfiance.
Everard
agita la main.
— Il
est simplement curieux. Je suis certain qu’il ne se doute de rien. Je lui ai
répondu ce que je réponds à tous ceux qui me posent des questions. Tu t’es
converti au christianisme et tu m’aides à dénicher des manuscrits arabes pour
mes traductions. En quoi cela devrait-il soulever des interrogations ? C’est
quelque chose de très ordinaire en Acre. Là-bas, la commanderie emploie des
secrétaires arabes.
— Pardonne-moi
si je me mêle de ce qui ne me regarde
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