Le livre du cercle

Il
s’arrêta de courir, ne voulant pas attirer l’attention des gardes. Au moment où
ils arrivaient au bout de l’allée, quatre chevaliers montés sur de puissants
destriers sortirent de l’enceinte. Ils étaient vêtus de simples capes, mais
Will aperçut par-dessous les longs surcots noirs sur lesquels était brodée la
croix blanche des Hospitaliers. Il reconnut deux d’entre eux. L’un était
Rasequin, l’homme qui l’avait défié devant la boutique du parcheminier. Cette
fois, il n’avait pas l’air saoul. Au contraire, il semblait très attentif. Il
franchit les grilles la main posée sur la garde de son épée, les sabots de son
cheval projetant derrière lui de grandes mottes de terre. À ses côtés se
trouvait Nicolas de Navarre. Lui aussi portait l’uniforme des chevaliers de
Saint-Jean.
    Will
cria quand ils passèrent devant lui, mais le bruit des chevaux lancés au galop
les empêchèrent de l’entendre. À l’arrière de leurs selles étaient attachées
des sacoches et des couvertures. L’équipement pour un long trajet. Will jura en
les voyant disparaître au coin de la rue. Les grilles de la commanderie se
refermèrent avec un bruit métallique.
    Simon
se pencha en avant pour appuyer les mains sur ses genoux et reprendre son
souffle.
    — C’était
Nicolas, non? Pourquoi était-il habillé comme un Hospitalier ?
    — Il
a été infiltré par l’Ordre de Saint-Jean pour s’emparer du livre, l’informa
Will après un instant de réflexion.
    Avant
que Simon n’ait pu poser de nouvelles questions, il désigna une ruelle sur le
côté qui longeait les murs de la commanderie.
    — Nous
allons entrer. Nous devons découvrir ce qu’ils fabriquent.
    — Ce
n’est pas dans le mauvais sens? questionna Simon tandis que Will pénétrait dans
la ruelle. Les grilles sont de l’autre côté.
    — J’ignore
qui est au courant de la mission confiée à Nicolas à l’intérieur de leur Ordre,
mais je ne veux prendre aucun risque.
    Will
s’arrêta pour observer le mur en tuffeau. Il pouvait voir au-dessus des
branches d’arbres et la flèche de la chapelle de la commanderie.
    — On
ne peut pas entrer simplement comme ça, sans raison.
    — Je
ne peux pas grimper là-haut, dit Simon d’une voix inflexible tandis que Will
commençait à escalader le mur, agrippant du bout des doigts les aspérités.
    Il
parvint en haut et passa la tête en se hissant à la force des bras, muscles
tendus, pour s’accouder au rebord. Il regarda de l’autre côté. Derrière les
arbres, il y avait un grand terrain à découvert parsemé de croix en pierre - le
cimetière des chevaliers. Au-delà, Will aperçut une cour et plusieurs bâtiments
importants derrière la chapelle. Des hommes s’affairaient dans la cour, mais le
mur qu’il avait gravi était dissimulé par les arbres, pratiquement invisible de
là-bas. Simon et lui n’avaient presque aucune chance d’être repérés, il
faudrait vraiment que quelqu’un regarde dans cette direction.
    — Allez,
pressa-t-il Simon, qui le regardait avec anxiété.
    — Seigneur,
murmura le palefrenier en s’attaquant maladroitement au mur après quelques
instants d’hésitation, tu finiras par avoir ma peau.
    Crispé
par l’effort, il s’égratignait les genoux et les cuisses contre les pierres. En
arrivant au sommet, il coinça le pied dans une anfractuosité mais celle-ci
était trop petite pour sa botte et il glissa. Will l’attrapa par le poignet et
l’empêcha de dégringoler. Serrant le mur entre ses cuisses et ahanant sous son
poids, il tira Simon sur quelques centimètres jusqu’à ce que celui-ci puisse
rétablir l’équilibre et s’asseoir. Il fallut quelques secondes à Simon pour se
remettre de ses émotions. Il était trop secoué pour bouger. Will parvint
finalement à le rasséréner et les deux garçons sautèrent à l’intérieur du
cimetière. Profitant de la couverture que leur fournissaient les arbres, ils
longèrent le mur.
    — Je
ne sais pas ce que tu cherches, murmura Simon en frottant ses genoux écorchés.
Personne ne va te dire où est parti Nicolas. Si les Hospitaliers sont impliqués
dans le vol de ce livre, je doute qu’ils te confient quoi que ce soit.
    Il
leva les yeux vers les tours du bâtiment principal.
    — À
mon avis, tu as plus de chance de finir enfermé au donjon.
    — Je
ne vais pas demander à un chevalier, lui répondit Will tout en se dirigeant
vers un long bâtiment en bois qui bordait la cour et à