Le livre du cercle
voulais savoir ce qui était arrivé au livre que tu étais
venu récupérer ici pour moi, mais comme j’ai appris entre-temps qu’il a été
détruit, j’aimerais que tu me dises où se trouve mon homme de main, Rook.
Garin
fut pris d’une bouffée de haine à la mention de ce nom : il l’avait enterré si
loin dans les profondeurs de son âme qu’il l’avait presque oublié. Le pouvoir
de ce vitriol surpassa ses craintes.
— J’ai
crevé ce bâtard! cracha-t-il à la face d’Édouard.
Je
l’ai planté à tant de reprises que même sa propre mère ne l’aurait pas reconnu.
Les
yeux d’Edouard exprimèrent un instant une colère froide, mais il se reprit
aussitôt et recouvra son calme.
— Oui,
en voyant qu’il ne revenait pas, j’ai pensé qu’il avait dû lui arriver quelque
chose de fatal. C’était un homme très obéissant.
—-
C’était une raclure malfaisante, grogna Garin. Il menaçait de tuer ma mère. Il
a tué ma...
Il
s’interrompit brusquement et ferma les yeux.
— Je
l’admets, les méthodes de Rook étaient parfois vulgaires, mais il s’arrangeait
toujours pour accomplir les besognes que je lui donnais. C’est tout ce que je
demande à ceux qui me servent. Tu le sais, Garin.
Le
chevalier étouffa son amertume et sa peur et se força à croiser le regard
d’Edouard.
— Oui,
je vous ai trahi et j’ai tué votre laquais. Mais vous ne m’avez rien laissé
quand j’ai eu fini de travailler pour vous. Que pourriez-vous bien m’enlever,
maintenant ?
— À
mon service, tu étais bien récompensé. C’est toi qui as choisi de tout
abandonner. Et pour quoi ?
Edouard
fit un grand mouvement circulaire de la main en désignant la geôle sombre.
— Pour
ceci !
— Non.
C’est parce que j’ai choisi de travailler pour vous qu’il ne me reste rien. Mon
oncle, mes amis au Temple, Adela, ma liberté... J’ai tout perdu. Si vous êtes
venu me tuer, faites-le. Sinon, allez-vous-en.
Edouard
parut légèrement surpris de voir Garin si combatif.
— Si
tu n’as plus rien à perdre, dit-il au bout d’un moment, alors je suis enclin à
penser que tu as tout à gagner.
— Qu’est-ce
que vous voulez dire ? marmonna Garin.
— Je
parle de l’Anima Templi, répondit Edouard en adoptant soudain une voix
directive, la voix d’un homme habitué à prendre des responsabilités dans de
nombreux domaines. Le groupe dans lequel ton oncle était impliqué. Je viens
d’en être nommé Gardien.
— Quoi?
Déjà
titubant depuis l’entrée d’Édouard dans la geôle, le petit monde de Garin
vacilla encore plus sous ses pieds.
— Everard
de Troyes est venu me trouver il y a quelques semaines pour me le proposer. Il
pense que je peux être de quelque secours à sa cause.
Edouard
se mit à rire.
— Les
joyaux vont revenir à ma famille et je les porterai lors de mon couronnement.
J’ai maintenant de l’emprise sur le Temple, une emprise que je compte bien
exploiter pour m’assurer que l’Ordre n’essaiera jamais de me manipuler comme il
l’a fait avec mon idiot de père, cet esprit faible.
Le
regard d’Edouard était aussi dur que la pierre. Ses yeux brillaient de
satisfaction et son visage exprimait une résolution inflexible. Edouard
arborait de nombreuses facettes, mais il se montrait là dans toute sa vérité.
Et il était terrifiant. L’ambition pure émanait de lui.
Garin
avait déjà vu cette inflexibilité, cette opiniâtreté dans les yeux d’Edouard
lorsqu’il avait brièvement travaillé pour lui à Londres. Mais aujourd’hui, il
était encore plus ferme et plus ardent.
— Vous
devez être satisfait dans ce cas ? Ils viennent de vous donner ce que vous
désiriez depuis longtemps.
— Quand
je prendrai le trône, il sera à moi et non au Temple, continua Edouard, qui
avait à peine entendu Garin. J’ai des plans, je veux étendre mon royaume dans
les années qui viennent. Grâce à ma position au sein de l’Anima Templi et au
pouvoir qu’elle me confère, je pourrai utiliser les vastes ressources du Temple
à mon avantage. Ce n’est pas eux qui m’utiliseront.
Ses
yeux se posèrent sur Garin.
— Au
demeurant, je n’ai aucune sympathie pour les objectifs de l’Anima Templi ni
pour ses membres. Ce qu’ils visent est irréaliste et anti chrétien. Ils vont à
rencontre de tout ce qui fonde notre société, à l’encontre de Dieu. En temps et
en heure, quand je leur aurai pris ce dont j’ai besoin, je mettrai un terme à
l’existence de
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