Le livre du cercle
pourraient se reposer
avant la difficile traversée du désert du Sinaï qui les amènerait en Egypte.
Baybars
étudia le sultan du coin de l’œil. Celui-ci se tenait droit sur sa selle. Il
avait raison, leur retour serait triomphal. Les Mamelouks avaient réussi là où
tout le monde avait échoué, ils avaient accompli ce que personne même n’avait
osé tenter : affronter l’armée mongole et l’écraser. Mais pour Baybars, la
victoire avait un goût amer. Il avait perdu bien plus qu’Alep dans cette
campagne. Alors qu’il en rêvait depuis des années, il avait perdu l’occasion de
se venger. Depuis qu’ils avaient repris la route, il essayait d’élaborer un
plan pour se débarrasser de Qutuz, mais le temps passait sans qu’il puisse en
régler les détails.
Cinq
jours après la bataille d’Ayn Djalut, les Mamelouks avaient marché sur Damas,
et les Mongols avaient de nouveau reculé. De là, ils étaient allés vers le
nord, à Homs et à Hamah. Les émirs qui avaient dû fuir devant l’invasion
mongole avaient repris leur poste et les villes avaient été soumises à la loi
coranique. A Alep, les Mongols avaient tenu près d’un mois, mais les Mamelouks
avaient fini par anéantir leurs défenses et reprendre la ville. Quand les
combats avaient cessé, Qutuz avait paradé dans les rues. Les musulmans, qui
avaient souffert du joug mongol, hésitaient à sortir de chez eux pour voir leur
libérateur. Au même moment, on tuait les chrétiens.
Le
temps que le cortège arrive à la principale place de marché de la ville, la
jubilation des musulmans les faisait se presser pour accueillir leur nouveau
souverain. Baybars était resté silencieux au côté de Qutuz, tandis que celui-ci
orchestrait une cérémonie de remise de la ville au nouveau gouverneur mamelouk.
A la fin, alors que tous congratulaient leur chef, Baybars s’était éclipsé dans
la foule. Il avait dit quelque chose à l’un des soldats, puis s’était dirigé
vers l’estrade dressée au milieu de la place.
Il
n’y avait pas si longtemps, lui semblait-il, il était enchaîné sur cette
estrade. Des hommes l’avaient jaugé comme s’il avait été une bête dans une
foire au bétail. Derrière le marché, au sud de la mosquée, se trouvait la
maison dans laquelle il avait servi six mois.
Baybars
avait grimpé les marches, les cris de l’armée emplissant ses oreilles.
—
Allahu Akhbar!
Dieu
est le plus grand.
Quand
Omar l’avait rejoint deux heures plus tard, il était toujours assis là.
— Émir?
Baybars
était sorti de sa rêverie, surpris de voir le soleil déjà presque couché.
— Je
te cherchais, dit Omar. Tu es là depuis longtemps ?
Baybars
ne répondit rien.
— Il
y a du nouveau. Nous avons payé les officiers. Ils te soutiennent.
Baybars
hocha la tête.
— Je
comprends pourquoi tu restes ici plutôt que de retourner au camp, avait
continué Omar. Qutuz est saoul et il ne cesse de faire l’éloge du gouverneur
qu’il a désigné.
Baybars
regarda la place et la couleur dorée qu’elle prenait avec la lumière de ce
début de soirée. La foule s’était éparpillée, mais un escadron de Mamelouks
était resté pour patrouiller dans les rues. Qutuz et sa suite avaient investi
la citadelle pour fêter la victoire.
— Ce
n’est pas à cause du sultan que je ne me suis pas retiré avec les hommes. Alep
n’est pas entre mes mains aujourd’hui, mais quand Qutuz sera mort, ce n’est pas
des louanges que le gouverneur recevra.
— Alors
pourquoi te cacher ?
— Je
ne me cache pas. J’attends.
— Tu
attends ? l’interrogea Omar. Qu’est-ce que tu attends ?
— Un
vieil ami.
Baybars
s’était levé, il observait les rues menant à la place. Le dôme de la mosquée
était une grande cloche dorée posée sur les toits des maisons. Omar se leva à
son tour et regarda dans la même direction.
— Tu
ne m’avais pas dit que tu connaissais quelqu’un ici. Cela fait quoi, dix-huit
ans que tu n’es pas venu ?
— Dix-neuf.
Baybars
croisa ses mains dans son dos.
— Retourne
au camp, je t’y rejoindrai bientôt.
— Les
officiers ont été payés, mais on n’a fixé ni le lieu ni l’heure. Nous devrions
le faire tant que nous en avons l’occasion et...
— Tu
désobéis à mes ordres, officier ? dit Baybars sans le regarder.
— Pardonne-moi,
émir, répondit Omar avec surprise.
Il
se tourna pour partir, puis s’arrêta quand Baybars sauta de l’estrade. Un soldat
mamelouk arrivait
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