Le livre du cercle
en cavalant d’une des rues alentour. Il ralentit son cheval
en s’approchant de Baybars.
— Émir.
Il
mit pied à terre et s’inclina.
— As-tu
trouvé la maison ?
— Oui,
émir, mais l’homme que vous m’avez envoyé chercher n’était pas là.
— Comment
cela ?
— La
maison a été abandonnée il y a quelque temps. Je me suis renseigné. Peu de gens
connaissaient la famille qui habitait là. Un marchand croit se rappeler que la
propriété appartenait à un chevalier de l’Ouest. D’après lui, le chevalier
serait mort et sa famille serait repartie depuis une dizaine d’années.
Baybars
recula de quelques pas et s’agrippa à l’estrade.
— Désirez-vous
autre chose ? demanda le soldat.
Baybars
lui fit signe qu’il pouvait disposer.
Le
soldat s’inclina, remonta sur son cheval et s’en alla.
Omar
sauta à son tour de l’estrade.
— Qui
est ce chevalier ?
— Retourne
au camp.
— Parle-moi,
le pressa Omar. Tu ne m’as jamais dit ce qui t’était arrivé à Alep, mais je
sais que cette ville te hante. Ce chevalier était-il ton maître ?
Baybars
l’attrapa par les épaules et le plaqua contre l’estrade.
— Pars,
je te dis !
Le
souffle coupé, Omar le fixait, éberlué. Baybars le lâcha et recula.
— Nous
parlerons bientôt, Omar, reprit-il, un peu plus calme, tu as ma parole. Mais
pas aujourd’hui.
Quand
l’appel pour la prière avait retenti, il marchait seul, ayant abandonné Omar
sur la place du marché.
Baybars
saisit les rênes de son cheval. Alentour, les rythmes des tambours ne
faiblissaient pas. Il s’efforça de se concentrer sur le sujet le plus
important. Il était l’un des généraux de l’armée mamelouke. Il avait défait les
chrétiens et les Mongols. Il se rappelait avoir été un esclave, mais ce n’est
pas comme esclave qu’on se souviendrait de lui. L’échec de ce qu’il avait
projeté de faire à Alep l’avait secoué, mais il n’était plus temps de retourner
le passé. Le chevalier était soit parti, soit mort. Il n’aurait pas son
châtiment.
— Tu
es bien calme aujourd’hui, émir. Quelque chose ne va pas ? l’interrogea Qutuz.
— Non,
seigneur.
Qutuz
le scruta mais on ne pouvait rien lire sur le visage de Baybars. Il aurait
aussi bien pu regarder un mur, il n’aurait pas été moins expressif.
— Tu
seras récompensé comme il se doit pour ta contribution à la victoire, une fois
que nous serons rentrés au Caire.
— Votre
générosité vous honore, seigneur.
Un
éclaireur approchait d’eux. Il arrêta son cheval, en descendit et se présenta
face à Qutuz.
— Il
y a un village à environ une lieue à l’est de la route, maître.
(Lieue :
ancienne mesure équivalent à quatre kilomètres )
— Des
chrétiens ?
— Oui,
maître, il y a une église.
— J’enverrai
les Mu’izziyya.
— Vos
hommes sont las, intervint Baybars. Ce sera le troisième village chrétien
qu’ils mettront à sac en cinq jours. J’ai besoin de me défouler, laissez-moi y
aller avec les Bahrites.
Qutuz
réfléchit un moment avant d’acquiescer.
—
Vas-y. Nous continuerons vers Gaza. Je n’ai pas besoin de te rappeler comment
procéder.
— Non,
seigneur, tout ce qui a de la valeur sera rapporté sans faute.
Baybars
enfonça ses talons dans les flancs de son cheval. Sur son ordre, cinq cents
hommes quittèrent la colonne de l’armée en marche pour le suivre. Quelques
chariots se mirent également dans leur sillage : leurs cages en bois pouvaient
contenir beaucoup d’esclaves.
Le
village était niché entre deux talus au bord de la plaine de Sharon, près de
champs d’oliviers. Des pieux enfoncés et attachés les uns aux autres étaient
censés protéger les soixante maisons, ou plutôt les soixante cahutes en brique
argileuse qui s’y entassaient. En plus de l’église, il n’y avait que trois
bâtiments en pierre. Des nuages de fumée sortant des cheminées s’étiraient dans
le ciel rosâtre. Les fermiers avaient quitté les oliveraies pour rentrer chez
eux.
Une
fois le périmètre du village atteint, les Mamelouks se mirent à arracher les
pieux. Plusieurs habitants, ayant vu les soldats approcher, avaient lancé
l’alarme et la panique était déjà à son comble quand les cloches se mirent à
sonner. Quelques hommes se dépêchaient de s’armer avec ce qu’ils pouvaient
trouver : pierres, faux, balais... Mais la plupart cherchaient à fuir.
La
cavalerie chargea et des fermiers abrités derrière un
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