Le livre du cercle
secondes plus tard, il vit le soldat
repartir et une flaque de sang rougir le drap et se répandre autour du bébé.
Baybars
jeta un regard circulaire autour de lui. Le village était à feu et à sang. Ses
yeux se posèrent sur l’église. Les portes en étaient fermées, le bâtiment
n’était pas encore pris.
— Venez,
dit-il à Omar et à Kalawun.
Il
s’approcha et voulut ouvrir mais quelque chose l’en empêchait. A l’intérieur,
une voix d’homme se fit entendre, tremblante mais pleine de détermination.
— Arrière,
suppôts du diable !
Baybars
mit un coup de pied et parvint à passer l’épaule. Il dégagea le banc qui
bloquait la porte et tira son sabre en entrant, suivi par Omar et Kalawun. Il
prit un instant pour observer les lieux. L’église était petite et sans autre
ornement qu’un autel délabré à l’autre extrémité, sous un crucifix en bois
suspendu au mur. Derrière l’autel, un vieux prêtre en robe défraîchie
brandissait un candélabre. La seule lumière provenait de deux ouvertures sur
les murs latéraux.
Le
prêtre brandissait son candélabre en direction de Baybars. C’était un petit
homme décharné.
— Arrière
! Vous n’avez pas le droit d’entrer dans la maison de Dieu !
— Ton
église est sur nos terres, répliqua Baybars en s’avançant. Nous avons tous les
droits.
— C’est
la terre de Dieu !
— Toi
et les tiens, vous êtes comme les fourmis. Vous construisez des églises et des
châteaux sans vous préoccuper de savoir où vous êtes ni ce que vous faites.
Vous êtes nuisibles.
— Je
suis né ici, et mon peuple aussi ! cria le prêtre.
— Vous
êtes des Francs. C’est le sang de cette engeance qui coule en vous.
— Mais
c’est ici chez nous !
Il
sortit de derrière l’autel et fendit l’air avec son candélabre. Baybars bondit
en faisant tournoyer son sabre. Le prêtre se baissa mais le coup ne lui était
pas destiné. La lame trancha la corde du crucifix, qui tomba au sol avec
fracas. Baybars le piétina, réduisant en miettes le visage du Christ sous son
talon.
— Vous
êtes peut-être nés sur ces terres, mais vous portez en vous la pourriture de
l’Occident. Ce que nous faisons ici, nous allons le faire dans toute la
Palestine.
Il
s’approcha du prêtre et le désarma en frappant simplement le candélabre du plat
de l’épée. Puis, en sentant la pointe de la lame contre sa gorge, le prêtre
blêmit.
— Ton
Dieu versera des larmes en voyant Ses églises et Ses reliques en feu. Les
cendres de la Chrétienté seront répandues aux quatre vents et ce sera un
soulagement pour tous les musulmans.
— Vous
mourrez, murmura le prêtre. Les soldats du Christ vous écraseront.
Baybars
enfonça la lame dans sa gorge, traversant sans difficulté la chair et les os.
Le prêtre émit un bref gargouillis quand elle ressortit par la nuque. Du sang
jaillit de sa bouche et Baybars fit pivoter le sabre. Enfin, il l’extirpa et le
prêtre s’écroula contre l’autel. Mais Baybars n’en avait pas fini. Il leva de
nouveau son arme et frappa le cadavre à terre, il le frappa encore et encore,
s’acharnant dessus jusqu’à ce que les pierres soient couvertes de sang. Il était
à bout de souffle. Ses yeux n’exprimaient plus que la sauvagerie. Il aurait sa
vengeance ! Aucun n’en réchapperait !
Il
fit volte-face en sentant une main lui agripper le bras. C’était Omar.
Chancelant, Baybars recula.
— Il
est mort, émir.
Se
détournant du corps en charpie, il sortit un chiffon de l’étui qu’il portait à
la ceinture. Puis il entreprit d’essuyer sa lame, tout en regardant les visages
perplexes d’Omar et Kalawun.
— Alors
? Vous vouliez parler ?
Kalawun
s’avança.
— Omar
m’a parlé de votre plan, émir. Je suis avec vous.
Baybars
hocha la tête en signe de remerciement. Kalawun avait été enrôlé dans le
régiment bahrite deux ans après Omar et lui-même. Il avait fait la preuve de sa
loyauté en les suivant à Damiette, le jour où ils avaient tué Turan Chah.
— Ce
ne sera pas facile, dit Omar. Le sultan est toujours entouré de gardes.
Peut-être devrions-nous attendre de rentrer au Caire.
— Non,
répondit fermement Baybars, nous devons agir avant d’arriver en ville. Qutuz
sera en sécurité s’il atteint la forteresse.
— Du
poison ? suggéra Omar. Nous pourrions payer un des pages...
— C’est
trop risqué. De plus, je ne paierai personne pour faire ce que je peux
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