Le livre du cercle
déverrouilla la porte et ouvrit.
— Mon
oncle, dit-elle en le saluant d’un sourire.
Owein
entra et ferma derrière lui. Il l’attira à lui et se pencha pour l’embrasser
sur le front. En se redressant, il vit le plateau.
— Tu
n’y as pas touché ?
— Je
n’ai pas faim.
— Tu
ne te sens pas bien ?
— Non,
c’est juste...
Elle
soupira profondément.
— Combien
de temps dois-je rester ici ? J’ai l’impression d’être en prison. Je n’ai même
pas pu voir le tournoi hier. J’ai entendu qu’ils criaient le nom de ton
sergent. C’est lui qui a gagné ?
— Tu
ne dois pas sortir de tes quartiers, dit Owein.
Sa
voix était douce, mais ferme.
— Nous
ne devons pas abuser de la confiance du grand maître. S’il n’avait pas accepté
de te recueillir, je n’aurais pas su où t’envoyer.
— Et
je lui suis reconnaissante.
Elwen
s’approcha de la table et fit semblant de s’intéresser à la broderie.
— Mais
si je reste enfermée ici, je vais devenir folle.
— C’est
pour ça que je suis ici, Elwen. Tu vas bientôt partir.
— Mon
tuteur ? Il va mieux ?
Owein
vit l’espoir renaître en elle. Il la prit par la main et la fit asseoir sur le
lit.
— Je
crains que non, répondit-il. J’ai reçu un mot cet après-midi, Elwen. Ton tuteur
est mort. Une maladie soudaine... Les médecins n’ont rien pu faire.
Il
passa le bras sur ses épaules.
— Je
suis désolé, ma douce. Je sais que tu l’aimais.
Elwen
regardait ses mains posées sur ses cuisses.
— Oui,
se contenta-t-elle de répondre.
Elle
resta silencieuse un moment.
— Et
moi ? Que va-t-on faire de moi ?
— Le
Temple n’est pas un endroit pour une femme, dit Owein d’un ton protecteur. J’ai
envoyé un message à un frère à Bath. Charles est un ancien officier du Temple,
il s’est retiré à la suite d’une blessure. Aujourd’hui, il dirige un domaine en
dehors de la ville où il élève nos chevaux. Je suis sûr qu’il acceptera de te
recevoir.
— Bath?
répondit Elwen d’une voix où perçait l’anxiété. Mais j’aime Londres.
Owein
passa la main dans ses cheveux.
— Je
pars dans trois jours pour Paris. Je ne sais pas quand je reviendrai et je
n’aurai pas le temps de te chercher un logement en ville d’ici là. Tu aimeras
Bath. Le domaine de Charles est plus grand que cette pièce, dit-il avec un
sourire d’encouragement. Et Charles a trois filles, l’une d’elles a ton âge. Tu
recevras l’éducation appropriée à une jeune fille.
Elwen
s’agrippa à sa couverture et en tira nerveusement un fil qui pendait.
— Combien
de temps resterai-je là-bas ?
— Un
an au plus, jusqu’à ce que tu aies l’âge requis.
— Requis
pour quoi ? demanda-t-elle lentement.
— Pour
le mariage, bien sûr, quand je t’aurai trouvé un fiancé.
— Mon
oncle ! s’exclama-t-elle en riant. Je ne veux pas me marier !
— Pas
maintenant, je m’en doute.
— Jamais
! dit-elle avec véhémence.
—
Avec le temps, tu te feras à cette idée, affirma-t-il.
— Je
n’ai pas d’autre choix ?
— Tu
as le choix entre te marier et devenir nonne.
— Ce
n’est pas ce que je veux, répondit-elle rapidement.
Owein
tenta de la rasséréner.
— Je
suis désolé, Elwen, mais tu ne peux pas rester ici. Aller à Bath est ce qui
peut t’arriver de mieux. Tu as besoin d’apprendre à te tenir comme une jeune
fille de ton rang. J’ai promis à ta mère de m’occuper de toi et c’est ce que je
vais faire.
Elwen
voulut dire quelque chose mais il ne lui en laissa pas le temps.
— Tu
ne me feras pas changer d’avis, dit-il en se levant. J’espère des nouvelles de
Charles dans les semaines à venir. Si tout se passe bien, tu partiras pour Bath
à mon retour de Paris.
Il
ouvrit la porte, se retourna comme s’il allait dire quelque chose mais partit
finalement sans rien ajouter.
Restée
seule, Elwen eut l’impression que les murs de la petite pièce s’écroulaient sur
elle. Quand sa mère, déjà veuve, avait été forcée de prendre un emploi chez un
riche propriétaire terrien, Owein l’avait prise avec lui sur son cheval et
l’avait emmenée à Londres. En la voyant pleurer, son oncle avait cru que
c’était le chagrin qui provoquait ses larmes. En réalité, c’étaient des larmes
de soulagement.
À
Powys, sa mère se levait à l’aube, le visage livide, pour une dure journée de
labeur domestique. Et Elwen avait elle aussi des corvées : elle devait nettoyer
les deux pièces humides
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