Le livre du cercle
leva lentement en gardant la tête inclinée en signe de soumission. Soudain,
Will aperçut la dague qu’il dissimulait dans son dos. Il voulut crier mais
c’était trop tard : l’homme venait de poignarder le chevalier en pleine poitrine.
L’épée d’Owein fit un bruit métallique en heurtant le sol. Il recula de
quelques pas et mit ses deux mains autour de la poignée de la dague. Quand
Owein s’effondra sur le quai, Will ne put s’empêcher de crier. L’homme
s’éloignait en chancelant. En entendant des bruits de pas derrière lui, il
regarda par-dessus son épaule et ses yeux s’agrandirent en voyant le fauchon
dans la main de Will. La lame le frappa à la tempe dans un grand bruit de
craquement d’os et le sang jaillit de sa tête en même temps qu’il tombait à
genoux. L’homme lui jeta un regard implorant, et Will hésita pendant un moment
infinitésimal qui lui sembla durer une éternité. Puis il lui trancha la gorge,
et il sentit la chair et les tissus lui résister un instant avant finalement de
céder.
—
Owein !
Will
pivota et vit Elwen se pencher sur son oncle. Quand il arriva auprès d’eux,
elle tenait la tête du chevalier entre ses mains et criait son nom, semblant ne
plus pouvoir s’arrêter. La dague était enfoncée dans sa poitrine jusqu’à la
garde, et du sang bouillonnait à ses lèvres. Il avait les yeux grands ouverts.
Will regarda son maître et sentit la bile faire irruption dans sa gorge. Il
lâcha son épée et se mit à genoux. Puis il prit Elwen par les épaules pour la
calmer. Ses mains étaient couvertes de sang.
— Viens
!
Elle
continuait à pleurer et à hurler.
—
Elwen ! cria-t-il en la tirant.
Elle
lâcha la tête d’Owein, qui retomba en arrière.
— Non
!
Elle
se tourna vers Will et lui martela la poitrine de ses poings fermés.
—
Non ! Non ! Non !
Il
lui saisit les poignets et la serra contre lui, l’étreignant tellement fort
qu’il aurait pu l’écraser. Par-dessus son épaule, il vit le visage d’Owein : sa
mâchoire tombante, ses yeux vitreux.
Chapitre 13
Al-Salihiyya, Égypte
23 octobre 1260 après
J.-C.
Assis
sur son trône, Qutuz regardait à l’est l’horizon rougir avant l’arrivée
imminente du soleil. Ce serait une bonne matinée pour les lièvres, et peut-être
pour les sangliers. Le camp commençait à s’animer. Les hommes sortaient de sous
leurs couvertures, rompaient leur jeûne et s’occupaient des chevaux. Les cinq
généraux et les gardes Mu’izziyya qu’il avait conviés à la chasse l’attendaient
devant le pavillon. Mais aucun signe de Baybars.
Qutuz
se leva, descendit de l’estrade et s’agenouilla sur le tapis de prière
qu’avaient installé ses serviteurs. Il se tourna vers La Mecque au moment
précis où les premiers rayons du soleil enflammaient le ciel. Et il savait que
tous les hommes de son armée faisaient de même en cet instant. Leur chant
s’éleva au-dessus de la plaine.
—
Bismillah arrahman arraheem. Alhamdulillah, arbb al ’alamin.
Arrahman arrahem. Malikyawn adden .
( Au
nom d’Allah, le tout miséricordieux, le très miséricordieux. Louange à Allah,
seigneur de l’univers. Le tout miséricordieux, le très miséricordieux. Le roi
du jour du jugement .)
Quand
il eut terminé, Qutuz s’inclina jusqu’à sentir contre son front l’herbe verte
et humide. Se rasseyant, il vit trois hommes venir dans sa direction. Son
visage se teinta d’inquiétude en voyant que Baybars était encadré par Omar et
Kalawun.
-—
Émir, dit-il en se levant.
Baybars
s’inclina.
— Seigneur.
— L’invitation
ne concernait que vous, dit Qutuz en adressant un sourire perplexe à Omar et
Kalawun.
Baybars
feignit la surprise.
— Toutes
mes excuses, sultan. Je n’avais pas compris que la chasse était réservée.
Laissez-nous, ordonna-t-il à Omar et Kalawun.
— Attendez
! fit Qutuz en levant la main. Ce n’est pas la peine. Vos officiers peuvent se
joindre à nous, émir.
Il
souriait mielleusement.
— Je
suis sûr qu’il y aura assez de gibier pour nous tous. Sellez deux autres
chevaux ! lança-t-il à ses serviteurs.
Qutuz
sortit du pavillon et se dirigea vers sa jument blanche.
— À
la chasse ! hurla-t-il.
Juste
avant de monter en selle, le sultan prit la courte lance que lui tendait un
garde Mu’izziyya.
— Dites
aux autres qu’il y aura trois morts aujourd’hui, lui glissa-t-il discrètement
en enfourchant la jument.
Le
groupe de chasseurs sortit du
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