Le loup des plaines
trouvèrent aussi un sac en cuir plein de lingots d’argent et assez d’arkhi
pour réchauffer leurs gosiers pendant les soirs d’hiver. Temüdjin se fit
apporter le sac et les outres dans la première tente qui fut plantée. Plus de
vingt Tatars avaient survécu à l’attaque et il les avait fait interroger pour
savoir qui était leur chef. Ils s’étaient contentés de le fixer en silence. Il
avait dégainé son sabre, en avait abattu trois avant que le quatrième ne jure
et crache par terre.
— Le chef n’est pas ici, lâcha l’homme avec rage. Il
est mort avec les autres.
Sans un mot, Temüdjin l’avait poussé vers Arslan puis avait
regardé froidement ses comparses.
— Je n’ai aucun amour pour votre peuple, aucun besoin
de vous laisser en vie, les prévint-il. À moins que vous ne puissiez m’être
utiles, je vous ferai égorger ici même.
Les Tatars gardèrent le silence.
— Très bien, dit Temüdjin.
Il se tourna vers le plus proche de ses guerriers, l’un des
frères qu’il avait ramenés du nord.
— Tue-les, Batu.
Le petit homme dégaina son poignard, le visage dénué d’expression.
— Attendez, je peux vous être utile ! s’exclama
soudain un prisonnier.
— Si tu ne me caches rien, tu vivras, j’en fais le
serment.
Le Tatar grogna.
— Combien de temps survivrai-je, seul et sans arme ?
Promets-moi un arc et un cheval, je te dirai tout ce que tu veux.
— Tu oses marchander ?
Le prisonnier ne répondit pas.
— Tu es plus courageux que je ne pensais, dit Temüdjin
avec un sourire. Tu auras ce que tu demandes, je t’en donne ma parole.
Avant que l’homme ait eu le temps de se ressaisir, il lui
posa sa première question :
— Pourquoi êtes-vous venus sur les terres de mon peuple ?
— Tu es bien Temüdjin des Loups ?
Le jeune khan ne prit pas la peine de le reprendre. C’était
ce nom qui semait la peur dans le Nord.
— Oui, confirma-t-il.
— Ta tête est mise à prix. Les khans du Nord veulent ta
mort. Ils te traqueront où que tu ailles, prédit le captif avec une joie sombre.
— On ne traque pas un homme qui vient à vous, lui fit
remarquer Temüdjin d’un ton calme.
Le Tatar battit des cils en se remémorant les événements de
la journée. Il l’avait entamée au milieu de guerriers solides, il l’avait finie
entouré de morts. Il frissonna, partit d’un rire amer.
— Alors, nous nous traquons l’un l’autre et seuls les
corbeaux s’engraissent.
— Les tiens ont assassiné le khan des Loups, lui
rappela Temüdjin.
Il ne parla pas de Börte. Cette souffrance-là était encore
trop récente et trop vive pour qu’il l’exprime.
— Je le sais, répondit le Tatar. Je sais aussi qui nous
l’a livré. Ce n’était pas quelqu’un de mon peuple.
Temüdjin se pencha en avant, ses yeux jaunes brillant d’une
lueur féroce.
— Tu as promis de me dire tout ce que tu sais, murmura-t-il.
Parle et tu auras la vie sauve.
Le prisonnier baissa la tête, réfléchit.
— Défais d’abord mes liens.
Temüdjin dégaina son sabre, encore couvert de sang. Le Tatar
se retourna pour montrer ses mains entravées derrière son dos, mais il sentit
le métal froid contre sa gorge.
— Dis-moi qui, ordonna Temüdjin.
Les mots tombèrent de la bouche du prisonnier :
— Le khan des Olkhunuts. Il a reçu des lingots d’argent
pour nous prévenir.
Temüdjin fit un pas en arrière. Le prisonnier se tourna de
nouveau vers lui, le regard fou.
— C’est comme ça que cette guerre sanglante a commencé.
Combien de morts as-tu déjà faits ?
— Pour mon père ? Pas assez, répliqua Temüdjin. Loin
de là.
Il songea de nouveau à sa femme et à la froideur qui s’était
glissée entre elle et lui.
— J’ai à peine commencé à régler mes comptes avec ton
peuple, ajouta-t-il.
Temüdjin et le prisonnier se fixaient encore quand la
portière de la yourte s’écarta. D’abord, aucun des deux hommes ne chercha à
voir qui venait d’entrer dans la yourte puis le Tatar tourna la tête, découvrit
Yuan et s’exclama :
— Je te connais !
Il tira désespérément sur ses liens, leva vers Temüdjin un
regard implorant.
— Je t’en supplie, je…
Yuan s’approcha vivement de lui, dégaina son sabre et l’abattit.
La lame trancha la gorge du Tatar, d’où jaillit une gerbe de sang.
Temüdjin saisit le Jin par le poignet, le fit reculer et le
plaqua contre le treillis de la yourte en lui serrant le
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