Le Maréchal Berthier
toujours en tête le rapport des forces, il désirait y rentrer quand ce n'eût été que pour être présent au moment de l'arrivée des alliés. Toutefois il n'entrait nullement dans ses intentions de servir aux côtés de l'empereur, car d'une part son serment au roi le lui interdisait et de l'autre il considérait la tentative de Napoléon comme folle et sans la moindre chance de réussite.
Il est étonnant de noter que Napoléon semble avoir été imperméable à ce raisonnement et ait répété à plusieurs généraux qu'il attendait avec impatience le retour de Berthier dont il avait besoin comme major général de sa nouvelle armée. Il aurait dit par matière de plaisanterie qu'il lui pardonnerait sa conduite s'il se présentait à lui dans sa tenue de garde du corps. Ce n'était pas du meilleur goût d'autant que Berthier n'avait rien à se faire pardonner. En fait, le prince de Wagram ne pouvait admettre que l'empereur, après avoir conseillé à ses généraux de se rallier au gouvernement de Louis XVIII, leur demandât à présent de se parjurer au risque d'être l'objet de sanctions par la suite. Et pourtant Napoléon crut longtemps au retour de Berthier, puisqu'il attendit jusqu'en mai pour lui désigner un remplaçant en la personne de Soult qui lui aussi connaissait bien le travail d'état-major. Cette attente prolongée n'empêcha pas l'empereur de rayer Berthier, de la liste des maréchaux dès le 10 avril en même temps que Augereau, Marmont, Pérignon et Victor. Y échappèrent de peu, sans que l'on sût pourquoi, Oudinot et Gouvion-Saint-Cyr qui pourtant avaient refusé de se rallier.
Contrairement à ce qu'avait semblé croire Napoléon, Berthier n'était pas resté passif à Bamberg et à peine arrivé avait entrepris des démarches en vue d'obtenir un passeport pour rentrer en France en compagnie des siens. Le duc son beau-père n'était pas prince souverain et ne pouvait lui faire établir ce document. Il s'adressa donc au comte de Montgelas, ministre des Affaires étrangères de Bavière qui résidait à Munich. Le maréchal qui le connaissait bien lui écrivit le 2 avril en lui précisant que son intention était de se retirer dans ses terres à Grosbois ou à Chambord et non pas de se rendre à Paris, ce qui eût pu donner lieu à interprétation. Sa lettre n'ayant pas même fait l'objet d'un accusé de réception, il renouvela trois jours plus tard sa requête qui cette fois encore se heurta au même silence. En réalité, très ennuyé, le comte de Montgelas ne savait quelle attitude adopter. Berthier était-il sincère en affirmant vouloir se retirer chez lui ? Cherchait-il au contraire à rejoindre Napoléon ? Et dans le cas contraire pourquoi ne restait-il pas tranquillement à Bamberg ? Le fait qu'il désirait emmener sa famille avec lui ne constituait pas vraiment un argument en faveur de sa neutralité.
Mais le prince de Wagram savait se montrer obstiné dans ses desseins. Devant le mutisme du comte, il s'adressa à son souverain, le roi Max de Bavière, oncle par alliance de sa femme et cousin de son père. La Bavière faisait à présent partie de la coalition contre la France napoléonienne. Le roi et son ministre toujours perplexes s'avisèrent de demander au haut commandement allié par l'intermédiaire du représentant de la Bavière au congrès de Vienne s'il y avait inconvénient à délivrer à Berthier et aux siens le fameux passeport. Non seulement la réponse des autorités alliées fut négative, mais elle était accompagnée d'une recommandation formelle de veiller à ce que Berthier ne s'échappât pas en voyageant sans autorisation. Le comte de Montgelas écrivit donc le 13 mai à l'hôte de Bamberg une lettre fort polie qui n'en était pas moins un refus définitif : « Je regrette bien vivement de ne pouvoir vous faire délivrer les passeports que vous m'avez demandés ; les puissances alliées m'ont invité à vous conseiller de ne pas rentrer en France ; je vous prie donc de rester auprès du duc votre beau-père jusqu'à ce que les circonstances vous permettent de retourner dans votre patrie. Adieu, mon cher Prince…. »
Le même jour, le comte envoya par écrit des instructions très strictes au commissaire Schauer, directeur de la police de Bamberg, en lui ordonnant de « surveiller par tous les moyens » mais également « en secret et sans que personne n'en sache rien » les mouvements de Berthier et surtout d'éventuels préparatifs de départ. Comme
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