Le Maréchal Berthier
cosignataires. Toutefois, pour complaire à son chef, il concentra autour de Plaisance les différents éléments de son armée encore dispersés dans tout le pays, réunissant ainsi 49 000 hommes et soixante-quatre pièces d'artillerie.
Après cela, il n'eut plus à s'occuper que de questions de récompenses et d'avancement pour tous ceux qui avaient servi sous ses ordres. Sur ces entrefaites, Masséna arriva au quartier général à Tortone. Ce fut entre les deux généraux qui se détestaient cordialement de grandes démonstrations d'amitié. Mais Berthier savait que son rôle à la tête de l'armée de réserve touchait à sa fin. Un arrêté pris par le Premier Consul, le 23 juin, décréta la dissolution de cette armée et sa fusion avec l'armée d'Italie. Ce fut Masséna qui en prit le commandement.
Berthier fut alors chargé par Bonaparte d'organiser le gouvernement piémontais. Il ne pouvait le faire lui-même, devant rentrer précipitamment à Paris, car il avait appris que Fouché et Talleyrand sans véritablement comploter contre lui s'agitaient beaucoup. Encore que cette mission n'entrât pas véritablement dans ses compétences, Alexandre s'en acquitta avec sa minutie habituelle : après quoi, il partit lui aussi pour Paris dans les premiers jours de juillet. Il comptait jouir d'un repos bien gagné et filer le parfait amour avec la marquise qui l'attendait avec impatience. Hélas, avec Bonaparte, les désirs étaient souvent fort loin de la réalité. Alexandre n'était pas depuis un mois dans la capitale que le Premier Consul lui annonçait qu'il l'envoyait en Espagne.
Depuis 1795, date de la signature d'un traité de paix entre l'Espagne et la France, les relations entre les deux pays étaient au beau fixe. En 1800, ils étaient même liés par une commune hostilité vis-à-vis de la Grande-Bretagne. L'ambassadeur de la république à Madrid était un nommé Alquier, diplomate de profession mais personnage aigri, jaloux et de vues étroites. Bonaparte faisait son possible depuis qu'il était Premier Consul pour améliorer encore les rapports avec la cour d'Espagne. Il y eut des échanges de cadeaux. Chacune des parties avait une idée en tête et comptait un peu sur l'autre pour la réaliser. La reine d'Espagne, soeur du duc de Parme, avait marié une de ses filles au fils du duc qui était donc son cousin, et la souveraine voulait voir agrandir leur duché. Elle espérait l'appui de la France pour y parvenir. De son côté, Bonaparte désirait récupérer la Louisiane cédée jadis par Louis XV à l'Espagne et comptait sur cette espèce de troc pour y parvenir. Il jugea Alquier trop médiocre pour mener la négociation pourtant assez simple et décida d'y envoyer Berthier. Celui-ci se montra plutôt réservé lorsque le Premier Consul le lui apprit. Son expérience en matière de relations diplomatiques était à peu près nulle, car les négociations qu'il avait menées à Alexandrie étaient purement militaires. Il ne parlait pas l'espagnol et par-dessus tout n'avait pas envie de quitter Paris. Mais Bonaparte balaya ces arguments, expliquant qu'il avait besoin de Berthier pour « exciter l'Espagne par tous les moyens possibles à déclarer la guerre au Portugal allié de l'Angleterre ». Espagne et Portugal étaient liés par des liens de famille mais, entre les deux pays, existait un certain contentieux. En même temps, Berthier devait visiter les principaux ports militaires pour se faire une idée exacte de la puissance navale du pays que Bonaparte comptait utiliser dans sa lutte contre la Grande-Bretagne. Berthier fit remarquer qu'un amiral ferait sans doute mieux l'affaire mais, là encore, le Premier Consul ne voulut pas retenir l'objection.
Le 28 juillet, il prévint Talleyrand, alors ministre des Affaires étrangères, de la prochaine ambassade de Berthier qui, sans titre apparent, serait porteur d'une lettre de lui-même au roi Charles IV et invita le ministre à en préparer une seconde pour le chevalier d'Urquijo, premier secrétaire d'État du souverain. Talleyrand ricana. Bonaparte fourrait des généraux partout et en faisait des plénipotentiaires. Lorsqu'il devait apprendre un peu plus tard qu'il se préparait à dépêcher à Londres le général Andréossy, Talleyrand demanda ironiquement : « Vous voulez y envoyer André aussi ? »
Étant donné l'échange quelque peu curieux auquel allait donner lieu l'ambassade de Berthier, la France comme l'Espagne comptaient garder
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