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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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laissez tomber.
    Lionel caressa tendrement les pages épaisses du codex, fredonna un peu en suivant le texte latin et sa portée correspondante, qui émiettait ses notes en forme de losange, puis reprit :
    — Pour fabriquer un livre, on utilise surtout de la peau de chèvre, de bouc, de mouton ou de chevreuil. Mais le meilleur parchemin est fait à partir de peau de veau. On appelle cela le vélin. Ce petit livre-ci en est fait. Sens comme les pages sont encore blanches et douces au toucher, même après trois cents ans !
    Sam toucha et dit :
    — C’est vrai.
    — Savais-tu que le maître Baillehache m’a offert un vélin d’excellente qualité qu’il a lui-même apprêté avec mon aide ?
    — Non, mais ça ne m’étonne pas. Il sait tout faire, et mieux que tout le monde. Sauf prononcer mon nom. Etequenne. Quelle horreur.
    — Nourrir toute cette rancune à son égard ne te fait aucun bien, mon fils.
    — Le veau, comment l’a-t-il eu, d’après vous ? Ça coûte une fortune. Il n’a pas pu l’acheter et on n’a jamais mangé la viande. Alors, comment ?
    Lionel ne répondit pas.
    — Je vais vous dire, moi, comment il a eu cette peau. Il l’a prélevée sur le cadavre d’une bête, en ville. Les bourreaux ne sont que des charognards.
    — Ça suffit, Samuel. J’en ai soupé, de ton aversion. Laisse-le tranquille. Tu sais, je commence à croire que si le maître est sévère avec toi il n’a pas tous les torts. On dirait que tu fais tout pour te montrer désagréable avec lui. Et ne va pas croire que c’est plus facile pour moi que pour toi de savoir ce qu’il est. Mais j’estime que, dans les circonstances, le mieux à faire, c’est encore de se rappeler qu’il n’est pas uniquement cela.
    Sam se tut. Le père Lionel aussi. L’adolescent se mit à regretter d’avoir parlé. Sa haine entachait tout ce qu’il faisait. Elle allait jusqu’à gâcher des leçons qui, autrement, eussent pu s’avérer passionnantes.
    Après un moment, Sam dit :
    — Mon père, je vous demande pardon. Comment s’y est-il pris pour fabriquer le vélin ?
    — Ce n’est pas à moi qu’il faut demander pardon, mais nous verrons cela plus tard. Pour commencer, il a fallu que le maître dépouille la bête et ce, sans abîmer la peau. Comme il n’a pas pu revenir à la ferme avant plusieurs jours, il a dû la saler. Une fois de retour ici, il l’a mise à tremper dans un bain de lime pour en enlever la chair et les poils. C’est, je trouve, la partie la plus ingrate du travail. Ensuite, il l’a étendue sur un cadre et l’a soigneusement grattée avec une espèce de couteau à lame lunaire.
    — Un grattoir.
    — C’est cela, un grattoir. Pour le reste, j’ai pris le relais, car c’est le plus délicat et il faut un œil averti. Il s’agit du ponçage et du sablage. On doit savoir exactement quand s’arrêter, sinon la surface ne retiendrait pas bien l’encre.
    Sam prit l’un des encriers et en regarda le contenu. Lionel dit :
    — C’est seulement la noire, celle dont je me sers le plus souvent maintenant, puisque j’écris davantage de lettres que je ne fais d’enluminures. Celle-ci est à base de suie de charbon de bois, mais on peut aussi la fabriquer avec de la cire d’abeille, de l’huile à lampe et de la gomme arabique. J’en ai aussi de la brune, juste là. C’est pour confectionner celle-là que tu me vois souvent aller en forêt. C’est de la poussière de fer et des nodules d’insectes, tu sais, ces espèces d’excroissances rondes qui poussent à même les arbres et qui enrobent des œufs d’insectes. Ceux du chêne sont les meilleurs.
    — Et vos couleurs, vous les prenez aussi dans le bois ? demanda Sam, incrédule.
    Elles étaient si vives, si belles, de véritables bijoux liquides !
    — Oh non, loin de là. J’ai fait venir la plupart de ces pigments de Caen, par les soins de maître Baillehache. Ce rouge orangé, là, c’est du sulfite de mercure. Le vermillon se compose de mercure et de sulfure qui peuvent donner, selon les proportions, une écarlate saisissante ou un très beau violet.
    Sam prenait les pots un à un pour les admirer, rêvant déjà de les essayer comme il l’eût fait d’instruments de musique.
    — Ce bleu mer, cependant, je l’ai rapporté moi-même de mon pèlerinage à Compostelle. Il est fait à base de cristaux de lapis-lazuli, une pierre. Je n’ai malheureusement pas de bleu plus profond que j’aurais bien aimé te

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