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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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affreusement neutre.
    Les deux hommes quittèrent la salle et disparurent dans un escalier en colimaçon. Dans la salle d’audience, le silence se fit.
    Le souhait d’Isabeau fut exaucé : ils revinrent au bout de quinze minutes. Louis soutenait par le bras un Philippe aux jambes flageolantes. Une tache d’humidité d’allure suspecte descendait le long de ses hauts-de-chausses en satanin* violet ainsi que sur ses bas-de-chausses, dont une des jambes était violette et l’autre jaune d’or. Il avait flanché à la vue de la chaise munie de sangles en cuir sur laquelle le tortionnaire avait eu l’intention de l’attacher.
    Louis lui avait glissé les doigts dans une espèce de petit pilori à main qui lui avait immobilisé les phalanges et lui avait décrit dans le détail une torture consistant à insérer à petits coups des aiguilles sous les ongles. Il avait ensuite précisé au pauvre bougre :
    — Vous comprenez, j’ai l’épaule en bouillie. Il me faut quelque chose de pas trop exigeant comme travail.
    — C’est bien trouvé, avait dit Philippe en s’efforçant de faire le brave.
    — En effet. Les doigts sont ce qu’il y a de plus sensible. Vous n’aimeriez pas savoir ce que j’arrive à faire avec un simple casse-noisettes. À titre personnel, maintenant, je vous préviens que si vous osez encore lever la main sur moi, je verrai votre sang de bellâtre. Et nous saurons s’il est vraiment bleu ou pas.
    Cela avait été suffisant. D’Asnières avait avoué ses contacts fréquents avec Du Guesclin, qui lui avait promis gloire et richesse en échange de sa collaboration.
    En dépit de ces graves aveux, personne à la cour ne fut surpris d’apprendre quelques jours plus tard, à la fin d’une audience, que Charles avait accordé son pardon au neveu de sa maîtresse. Alors que la salle se vidait, Charles dit à Isabeau et à Philippe :
    — J’organise ce soir un petit souper intime, sans façons, avec quelques invités seulement et de bonnes bouteilles de mon pays. Cela vous plairait-il ?
    Les deux nobles se hâtèrent d’accepter l’invitation avec force courbettes. Ce n’était ni plus ni moins qu’une réhabilitation pleine et entière de Philippe, qui avait promis de ne plus recommencer ses errements. Le roi acquiesça avec un sourire. Il appela :
    — Et qu’en est-il de toi, mon ami ?
    Le visage de d’Asnières s’allongea, et Isabeau fit semblant de ne pas entendre. Car Charles avait rappelé Louis avant que celui-ci ne cherche à s’éclipser.
    — Sire ?
    — Te joindras-tu à nous pour déguster… je ne sais pas, moi, l’un ou l’autre de mes invités ?
    Isabeau rougit jusqu’à la racine des cheveux. Les yeux félins du roi scintillèrent.
    — Je plaisantais. Mais je constate avec aise que notre chère hôtesse sait apprécier un trait d’esprit, surtout lorsqu’il prend deux sens. Il faut savoir rire, dans la vie, n’est-ce pas ?
    — Oui…
    — Toi davantage que quiconque mérite une pinte de bon sang. Diantre, très chère Isabeau, ne vous pâmez pas. Cela m’a échappé.
    — Pardonnez-moi, beau sire, si je n’apprécie guère ce genre de blague.
    — Au fait, ne ris-tu jamais, Louis ?
    — Pas très souvent, non.
    — Il ne me semble pas t’avoir déjà vu rire. Enfin… Alors, ce souper ? Puis-je compter sur ta présence ?
    — J’y serai, sire.
    — À la bonne heure ! Jean Fernandon, mon écuyer tranchant, sera, hélas, absent. Tu rempliras donc son rôle. Je te saurai gré d’endosser un tablier propre et de veiller à ne rien couper qui ne soit comestible.
    — Oh, Charles ! s’exclama Isabeau.
    Louis s’inclina et quitta précipitamment la salle. Charles se tourna vers Isabeau et dit :
    — Vous avez vu ? J’y suis presque parvenu.
    — À quoi ?
    — Mais à le faire rire, pardi !
    — Peut-être, mais sa façon de parler m’est presque une injure.
    — À mon avis, c’en est une, bougonna Philippe. Isabeau rectifia :
    — Non. Il est taciturne, c’est tout.
    Charles opina :
    — Il s’en tient au strict minimum, comme s’il craignait de trop en dire. Quoi qu’il en soit, c’est un homme dont j’admire l’intégrité.
    Isabeau cligna des yeux et regarda son amant. Elle demanda, avec douceur :
    — Comment, vous aussi vous l’admirez, Charles ?
    — Eh, que voulez-vous ? Même un roi peut parfois avoir besoin d’un modèle, d’un complice. Vous-même, très chère, n’avez-vous pas avec

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