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Le marquis des Éperviers

Le marquis des Éperviers

Titel: Le marquis des Éperviers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Paul Desprat
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rassembla ses dernières hardes, promptement malgré ses blessures, d’un geste précis qui trahissait son accoutumance aux décisions rapides.
    – Pour votre ami, on verra si l’on peut vous aider ! lança-t-il avant de disparaître dans la petite allée de son jardin.
    On imaginera sans peine l’exaltation qui s’empara de l’esprit de Victor lorsqu’il eut, à son tour, quitté au galop la maison des Grandville demeurée derrière lui ouverte à tous vents.
    Descendant la rue Saint-Jacques, le cœur tout bondissant, il fut, sans s’en rendre compte, frôlé à hauteur de la Sorbonne par la chaise grillée des huissiers du Châtelet qui, suivis de cinq recors 168 courant à pied, montaient se saisir de Brandelis de Grandville.
     
    Victor gagna le Palais-Royal où il se tint à son bureau, assailli de pensées vagabondes. Ses espérances par rapport aux engagements qu’il avait à tenir, le souvenir immaculé de Marie de Rignac, l’impatience qui l’étreignait à l’idée d’être, dès le lendemain, chaperon de la belle Clémire, s’entrechoquaient dans son esprit. L’avenir le laissait inquiet. Il ne discernait pas ce qui devait advenir des mystères qu’il voyait périlleusement s’amasser tels des éboulis sur les hauteurs d’un défilé au travers duquel il aurait été contraint de cheminer.
    L’abbé de Thésut, à le voir se consumer en lanterneries, ne fit que se persuader encore un peu plus de l’amour qui le portait vers Diane de Solsac.
    Il le rappela à l’ordre avec une moue complice dont la signification échappa tout à fait au rêveur.
    – Allons, mon enfant, revenez parmi nous ! C’est demain dimanche et vous aurez tout le temps de songer à ce qui vous tracasse… Mais pour l’heure, puisque Son Altesse doit emporter le dossier avec elle à Saint-Cloud, il nous faut votre avis sur ces arrérages de la capitainerie de Retz.
     
    Le lendemain, jour fixé par Brandelis de Grandville pour que Victor le supplée auprès de sa sœur, était, comme on vient de l’apprendre, un dimanche. Les habitants de l’Hôtel Davignon se trouvèrent à l’accoutumée à Saint-André-des-Arcs pour la seconde messe.
    Sous le porche, étonnant déploiement d’arabesques renaissantes que contenaient deux rudes échauguettes, il n’était bruit que de la fuite du jeune vicaire.
    – Il ne se remettra pas d’un cas aussi sale ! proclamait un bourgeois sentencieux. Un trafic de reliques, même par ces temps peu chrétiens, ça va toujours chercher la corde ou la galère.
    Un sacristain, que l’abbé de Grandville s’était attaché par ses libéralités, se lamentait :
    – C’est une machination de jansénistes pour abattre un saint homme.
    – Un saint que vous ne chômerez jamais, père Joseph ! lança impertinemment un gamin d’à peu près huit ans qui courait avec deux autres garnements rejoindre la chapelle des catéchismes.
    – Cet Arouet est une peste, grommela le sacristain, la honte de cette paroisse !
    Et s’adressant au garçonnet qui venait de disparaître après lui avoir décoché un magistral pied de nez :
    – Tu finiras pendu à vingt ans, petit scélérat 169 !
    – En tout cas, reprit le bourgeois, l’Église et la justice ne traîneront pas. Il paraît que monsieur d’Argenson a donné des instructions pour frapper fort et sans attendre…
    – S’il est coupable ! protesta une marquise qui s’extirpait de sa chaise et que le séduisant vicaire avait placée sous sa coupe.
    – C’est de notre ami dont on parle, murmura madame Davignon, les choses semblent se gâter pour lui.
    – Les jeteurs d’anathèmes doivent être vertueux, lui répliqua le conseiller, à n’être pas eux-mêmes inattaquables, ils courent le risque de succomber.
    – Les Jésuites vont sans doute tenter l’impossible pour le sauver ? hasarda Victor incapable de dissimuler l’intérêt qu’il portait au fugitif.
    – Certainement pas ! trancha monsieur Davignon, la Compagnie est plus cynique que vous ne le supposez. Elle est de ces armées qui préfèrent achever leurs blessés plutôt que de les entendre mugir.
    Victor, stupéfait des noires prédictions de son oncle, ravala sa salive. Ôtant son gant pour donner l’eau bénite à sa tante, il laissa osciller son regard entre la chaire qu’avait désertée celui pour qui il sentait grandir un sentiment d’intérêt et la gloire nimbée de rayons de marbre qui surmontait l’autel. Il supplia alors Dieu d’accomplir tant de

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