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Le marquis des Éperviers

Le marquis des Éperviers

Titel: Le marquis des Éperviers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Paul Desprat
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lorsque, brusquement, juste au pied de l’estrade, se produisit un grand trouble : des cris confus précédèrent une bousculade et l’on vit, d’entre les jambes d’un premier rang de spectateurs, bondir une fillette qui vint se jeter contre la jument balzane 21 du chevalier.
    Celui-ci, en se penchant, n’éprouva aucune difficulté à saisir par l’épaule cette chose menue qui ne pesait pas un grain et qui demeura au bout de sa main, recroquevillée et hérissée comme un oison pris dans un filet. Au travers de ses cheveux herbiformes, pétillaient des yeux vernis dont les prunelles virevoltaient follement.
    Trois gaillards en jaquette la poursuivaient, sortes d’avale-tout-cru armés de casse-têtes énormes. Ils vinrent se planter, braillant et éructant, devant les cavaliers.
    – Qu’y a-t-il ? Que signifie ce tumulte ? s’écria Carresse.
    – Elle a volé le boursicaut de mon maître ! hurla le plus excité de ces hommes qui portait une brassière de domestique en coutil rouge.
    – On va la mener hors de la ville pour la pendre, ajouta le second qui louchait affreusement et dont la mine de chamaillard était pourvue d’un long museau de rat.
    – Pendue ! pendue ! répétèrent alentour quelques comparses en brandissant des bâtons et des fouets.
    – Comme vous y allez ! s’exclama le chevalier, Dieu merci ! on ne pend plus comme cela en France du temps de Louis XIV.
    – C’est une bohémienne, on la pendra quand on voudra ! renchérit le domestique sur le ton du braiment.
    Il découvrit en vociférant les seuls chicots qui lui restaient, horribles crénelures plantées au bord d’un abîme noir.
    – La justice du roi, tonna le chevalier en portant la main à son épée, ne désigne pas coupables ou innocents à la couleur de leur peau !
    Un gros bourgeois en habit de velours s’avança malgré la menace. Il avait la corpulence du laboureur, avec un ventre proéminent qui craquait dans un pourpoint de chenille noire. Son nez était piqué de cratères violacés par où l’alcool, dont il abusait visiblement, devait tenter d’exhaler ses vapeurs. Pour surmonter tant de hideur, il s’était festonné la hure de trois bouts de filasse prétendant aux fonctions de perruque.
    – Qui êtes-vous pour oser venir, céans, nous empêcher de régler notre justice ? s’enquit ce personnage qui branlait du chef ainsi qu’un canard gras.
    – Votre justice n’existe pas, repartit vivement le chevalier, il n’y a que celle du roi… Je vous conseille d’y prendre garde si vous faites un pas de plus !
    Il tira son épée.
    – Va le chercher, le roi ! lança alors un homme qui jusque-là était resté dans l’ombre de ceux qui s’agitaient.
    Il était maigre et hâve, portant un sarrau noir estafilé de jets de graisse ; il arborait la mine sournoise des êtres qui ont l’art en sous-main de pousser les foules à la furie.
    Le chevalier, dès qu’il l’eut remarqué, se troubla. Le front plissé d’inquiétude, il éperonna sa jument en la maintenant par le mors. Il parvint de la sorte à faire reculer la foule qui, dans un mugissement d’effroi, venait de voir l’animal jouer des sabots par-dessus le premier rang des têtes.
    – Prenez l’enfant ! commandat-il à Victor, et ne montrez surtout pas votre peur !
    Ayant parlé ainsi, il balaya d’un regard fulminant ceux qui poursuivaient leurs cris et qui contre-poussaient les derniers rangs de spectateurs pour les empêcher de se retirer.
    – Qui accuse cette fille ? demanda-t-il à tue-tête.
    – Moi ! clama le domestique qui avait parlé en premier.
    – L’avez-vous vue voler ce boursicaut ?
    – C’est elle, j’en suis sûr ! renchérit l’homme.
    – L’avez-vous vue voler ce boursicaut ? insista Carresse.
    – Elle s’est enfuie quand mon maître a crié.
    – Cela ne prouve rien ! répliqua le chevalier avant de lever son épée pour la brandir aux quatre points cardinaux tout justement comme un roi de Hongrie qu’on vient de couronner.
    – Cela nous suffit ! reprit l’homme au sarrau qui, bien que demeurant à l’écart, continuait de jouer les boutefeux.
    Maximilien, voyant la presse qui continuait de grossir, comprit qu’il n’aurait bientôt plus le dessus. Il craignait surtout pour la fillette qui s’était mise à étreindre de ses bras maigres le mollet de Victor.
    – Qu’une femme s’avance pour fouiller cette enfant ! ordonna-t-il, si nous trouvons ce boursicaut je la conduirai avec vous chez le

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