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Le marquis des Éperviers

Le marquis des Éperviers

Titel: Le marquis des Éperviers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Paul Desprat
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donner des forces, vous goûterez ceci. Ce sont des chocolats fourrés d’amande que notre sœur l’abbesse nous mitonne à Mâcon, dans son couvent des Augustines.
    Victor le remercia, en forçant, dans un sourire, ses traits restés brouillés.
    – Je reviens de loin, murmura-t-il doucement.
    – Vous revenez de l’Enfer, répliqua Thésut en pointant un index curieusement vers le ciel, votre histoire court sous le manteau par toute la ville… Voici qui va donner à moudre aux consciences et c’est tant mieux !
    – Me voici donc célèbre, ironisa Victor, en faisant effort pour animer ses lèvres encore hésitantes.
    Il se releva légèrement, découvrant ses cheveux qui avaient poussé en frisant et qui, collés par la sueur, fusaient en volutes sur sa nuque amaigrie.
    – Oui, reprit Thésut emphatique en s’asseyant sur un prie-Dieu, votre courage force partout l’admiration… Songez par exemple que mon frère et moi recevons journellement des compliments pour vous avoir pris sous notre aile… Ah, quelle lumière vous faites dans notre crépuscule !
    – Et vous, cher abbé, confia à son tour Victor, avec le chevalier et tous ceux que j’ai trouvés en arrivant ici, vous êtes la consolation des misères d’un proscrit auquel il ne manque désormais, pour se dire le garçon le plus comblé de la terre, que le sourire de ses deux sœurs et la tendre affection d’un père…
    – Et la présence aimante d’une femme ! hasarda le visiteur.
    – Une femme ? répéta Victor en se troublant.
    – J’en sais une qui soupire après vous, lança Thésut avec la mine de quelqu’un qui s’apprête à trahir un secret.
    – Ah ! monsieur, soupira le blessé en accomplissant un mouvement violent pour se hisser sur son coude… Voulez-vous pour une fois abandonner votre rôle de maître et me faire la grâce de devenir quelques secondes mon confident ?
    – Si je le veux ! se récria l’oratorien crevant de fierté.
    – C’est un secret entre nous, insista Victor, et il devra rester tel jusqu’au jour où la publicité des choses le rendra caduc.
    Ayant dit ces mots, il descendit dans l’âme du vieil homme, plantant dans le fond de son regard mouillé mais pétillant d’intelligence ses propres prunelles qui irradiaient encore de fièvre.
    – Je sais ce que vous vous êtes mis en tête avec madame de Fontalon à mon sujet.
    – Nous n’avons fait que resserrer un peu la trame de votre conte de fées.
    – Les contes de fées, objecta Victor, sont écrits pour faire rêver les gens, non point, mon cher maître, pour déchaîner le malheur…
    – Que voulez-vous dire ? demanda Thésut sorti par un réflexe inquiet de son ravissement.
    – Ceci ! et ce sera l’objet de ma confidence… Le cœur de mademoiselle de Solsac est pris et il n’est plus désormais en mon pouvoir de faire son bonheur.
    – Infortuné jeune homme ! gémit l’abbé portant ses bras à ses oreilles dans le geste expressif d’un pleureur du chœur antique.
    – Ne vous désolez pas ! reprit Victor en s’emparant du poignet de son confident, les choses sont partagées… J’aime mademoiselle de Solsac comme on aime une amie mais à aucun moment je n’ai songé à la prendre pour épouse.
    L’abbé éberlué, et qui paraissait ne plus rien comprendre, secoua sa tête grise que le foisonnement de sa perruque transformait en chou-fleur.
    – Non ! vraiment non ! soupira-t-il soudain désemparé, je ne puis rien redire à cela puisque je n’ai aucune expérience de ce genre de langueur… Vous êtes seul juge, mais il me va falloir maintenant arrêter ce que j’avais imprudemment lancé…
    – Lancé ? s’effraya Victor.
    – Eh, oui ! répliqua l’abbé qui n’en menait plus large, ma commère madame de Fontalon et moi-même avons fait du petit point dans votre dos… Elle a parlé à votre oncle, la veille de votre accident, et je crains que les choses ne se soient un peu avancées.
    – Mon Dieu ! soupira faiblement le blessé.
    – Souriez !… Souriez, je vous en prie ! supplia vivement Thésut en se jetant à genoux près de la couche de son élève, un jeune homme tel que vous, après ce qu’il vient d’endurer, saura bien se tirer de ce mauvais pas.
    – Oui, répliqua le blessé qui retrouva d’un coup sa mine avenante pour lâcher perfidement : d’autant que je vous tiens désormais pour mon allié.
    L’abbé eut un geste résigné pour marquer qu’il s’y trouvait contraint.
     
    Le vidame vint, lui

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