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Le marquis des Éperviers

Le marquis des Éperviers

Titel: Le marquis des Éperviers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Paul Desprat
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sur ce toit ? s’enquit Victor resté juché au sommet d’une pile de vieilles caisses.
    – Nous n’avons pas pu pénétrer dans cette maison, répondit François Guyot, méconnaissable sans son collet, on y a rebâti un mur de frais et bouché les trous qui en permettaient l’accès.
    – Le plâtre est encore mou, mordiou ! confirma Cantaloube en montrant le bout de ses doigts couvert d’une pellicule blanche.
    – C’est étrange, observa Victor, que peut-il bien y avoir à cacher dans cette masure ?
    – Ce doit être un ancien collège, reprit François Guyot, il y a dans sa cour une chapelle datant du temps de l’Hôtel de Bourgogne qui paraît faire la réduction e l’église Sainte-Marie l’Égyptienne dont on voit le clocher d’ici.
    – Pouvez-vous m’y conduire ? demanda Victor en sautant brusquement au bas de son piédestal.
    – Derechef ? Comme cela… Et sans même nous laisser le temps de finir notre morceau ? s’inquiéta, avec une moue de répulsion, le vidame qui venait de s’étendre de tout son long sur le plancher.
    – J’ai le pressentiment que nous touchons au but, exulta Victor en se jetant, suivi du porteur d’eau Cantaloube, au travers d’une lucarne.
    Depuis cette ouverture, il se laissa glisser par l’arête d’un pignon jusque dans un chenal aux plombs disjoints. Il retrouvait d’un coup l’agilité qu’il déployait jadis pour déambuler sur le culbutis des couvertures du château de son père et Jean-Baptiste Cantaloube, dans son sillage, coinçant son pain entre ses dents, descendant à écorche-cul la ligne des faîtières, découvrait une souplesse que sa lourde constitution rendait insoupçonnable.
    Ils parvinrent de la sorte sur l’à-pic d’une cour à moitié comblée des débris provenant d’un incendie. Des moignons sculptés dégringolés de l’attique gisaient parmi des morceaux de poutre calcinés, de grandes traces noires que les pluies n’avaient pas lavées éclaboussaient encore tous l’encadrement des fenêtres. À hauteur de vue, s’inscrivant dans un gable qui portait arrimé à sa fuite un groupe de trois statues émoussées par la lèpre du temps, béait le cercle borgne d’une rosace.
    Victor distingua d’abord une Vierge déhanchée par le poids d’un Jésus disparu puis, se dressant de part et d’autre d’elle, les restes de la robe d’un prophète et deux jambes maigres battues d’un pan de peau de bête qui avaient dû appartenir autrefois à un saint Jean-Baptiste.
    – Voici ce que Brandelis voyait de sa cache ! s’écria-t-il au comble de l’exaltation, il ne nous reste plus qu’à nous glisser là-dessous.
    Aussitôt il se laissa descendre à califourchon sur l’auvent d’un balconnet en forme de demi-lune. La cour s’offrit vertigineusement à sa vue puis, tout d’un coup, sens dessus dessous, lorsqu’il exécuta une galipette accroché à la poulie qui, du temps où des étudiants vivaient là, servait à garnir le grenier.
    Il entra le premier pour découvrir un tas de paille dont la couleur indiquait qu’elle avait été coupée du dernier été. Le centre en avait été creusé pour ménager une sorte de hutte.
    Rejoint par Jean-Baptiste et le vidame, il s’immobilisa brusquement, pétrifié par l’horreur. Derrière cet abri, accroché par le cou au montant d’une poutre haute, pendait le corps raidi de Brandelis de Grandville.
    – Mon Dieu ! articula faiblement Victor… Le malheureux n’a pas su attendre que le soleil revienne luire pour lui.
    – Prions ! ajouta le vidame, que Dieu le prenne en pitié et qu’il protège Clémire.
    Ils s’agenouillèrent tous trois et Victor, dès cette seconde, ne songea plus qu’au tourment de sa bien-aimée.
    Il la retrouva dans la rue, assise sur la borne d’angle d’une porte cochère. Elle l’accueillit d’un pâle sourire comprenant, dès l’avoir vu paraître, qu’il lui portait la nouvelle de quelque infortune.
    Ce fut elle qui le tira d’embarras.
    – Il est mort, n’est-ce pas ? murmura-t-elle en s’emparant de son poignet.
    – Oui, dit Victor.
    – On l’a tué, reprit-elle doucement.
    – Il s’est tué lui-même, souffla-t-il en blêmissant davantage, le poids du malheur était trop écrasant pour lui.
    – Mourir si près de vaincre ! se lamenta-t-elle… N’est-ce point bien déplorable ?
    – Reposez-vous sur moi, Clémire ! enchaîna-t-il, car vous n’avez désormais plus d’autre gouvernail que vous-même.
    – Ah ! Victor,

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