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Le marquis des Éperviers

Le marquis des Éperviers

Titel: Le marquis des Éperviers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Paul Desprat
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notre origine de l’honorable corporation des barbiers et que le rasoir est notre arme tout comme la lancette !
    Continuant de manœuvrer sa canne, il parvint à incliner le cou de cet affreux cadavre dont les cheveux rasés venaient de choir dans la rigole.
    – Dieu que cette vieille est laide ! fit-il dégoûté, si le dedans est à hauteur de cette peau de crapaud, je vais fort mal illustrer ma leçon.
    Il se tourna alors vers le corps de Brandelis.
    – Passons plutôt à ce jeune homme ! fit-il tout en vrillant sa baguette sur le sternum saillant du défunt abbé.
    – Non ! hurla Clémire qui venait de revenir à elle et que la vue de Mareschal enfonçant la poitrine de son frère fit de nouveau défaillir sans qu’elle eût le loisir de remarquer le public tourné vers elle avec un air de grand reproche.
    – Je vous en prie, monsieur, supplia Victor qui venait de fendre la foule des adulateurs de la science.
    – De quoi, jeune homme ? lança Mareschal d’un ton arrogant, tous les corps qui sont ici m’appartiennent pendant un mois, par décision du lieutenant de police… Et d’abord, qu’avez-vous à voir avec ce misérable ?
    – Il était un de mes amis, répondit Victor.
    – Un ami ? s’étonna Mareschal en détaillant son interpellateur de pied en cap, eh bien ! la seule utilité que puisse avoir à présent celui-ci, c’est d’aider à survivre ceux qui, à rebours de lui, ne méprisent pas le jugement de Dieu !
    Victor, la rage au cœur, vit Brandelis empoigné, retourné, jeté sur le sol humide sans plus de ménagement que sa voisine. Des femmes en capuche se bousculaient au premier rang pour mieux considérer ce corps plutôt agréable à contempler et que deux à trois semaines de froid vif avaient assez bien conservé.
    Le chirurgien, armé d’un bistouri, venait de se mettre à croupetons, lorsqu’il poussa bruyamment un cri qui lui fit lâcher son instrument.
    – Ah, mais ! qui est ce garçon ?
    – L’abbé de Grandville, vicaire de Saint-André-des-Arcs, dit Victor.
    – Un drap ! qu’on porte un drap ! ordonna Mareschal tout en auscultant la nuque du défunt.
    Lorsque le corps, sous l’œil de la foule médusée, eut été recouvert avec interdiction d’y toucher avant l’arrivée des officiers de la prévôté, le chirurgien entraîna Victor à l’écart.
    – Et que dit-on de la mort de votre ami ? demanda-t-il.
    – Ma foi, monsieur, les choses sont si claires !… Il s’est pendu.
    – On l’a pendu, rectifia Mareschal, mais ce n’est pas le seul mystère que nous réserve ce malheureux… Permettez-moi cependant de garder la primeur de ce qui suit pour le ministre, avec liberté pour lui seul d’en faire l’usage qu’il voudra.
    – On l’a pendu ! s’effraya Victor, que voulez-vous dire ?
    – Monsieur, votre ami est mort de deux cassures de la colonne vertébrale. Le cou d’un pendu se rompt beaucoup plus haut… On ne lui a passé la corde, c’est évident, que pour maquiller ce crime en suicide.
    – Don Ottavio, lui encore ! balbutia Victor qui se prit à blêmir en s’appuyant au fût d’un pilier.
    Notes
    226 . Chants de réjouissance.
    227 . Moines vagabonds.
    228 . Premier nom donné au champagne.
    229 . Amant langoureux. Allusion à un personnage de L’Astrée .
    230 . Congé.
    231 . Masque coupé à hauteur de la lèvre supérieure.
    232 . Vin qu’on éclaircissait en y faisant macérer des copeaux de bois.
    233 . Catherine Deshayes, veuve Monvoisin (dite la Voisin), célèbre empoisonneuse, brûlée en 1680.
    234 . Ceux qui travaillaient de leurs mains.
    235 . L’actuelle place de l’Hôtel-de-Ville.
    236 . Garçons chirurgiens.

CHAPITRE SEPTIÈME
    La syncope du chevalier de Thésut
    Brandelis, lavé du soupçon de suicide, fut inhumé avec autorisation de l’Officialité, au cimetière des Innocents, à l’aube du second jeudi de l’an 1703. Le secours de la sépulture chrétienne, en place de l’infamie de la fosse à laquelle il avait tout d’abord paru promis, vint atténuer quelque peu le chagrin de Clémire. Elle assista au convoi entre Victor et Hercule, flanquée d’un petit troupeau de fidèles et de deux enfants en soutanelle noire chargés de lourdes torches. De loin en loin, dans les ressauts que formait l’enceinte irrégulière du charnier encore plongé dans les ténèbres, se pouvaient voir glisser des ombres d’inconnus que les clameurs de l’affaire de Grandville avaient attirés jusque-là. Lorsque le capucin

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