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Le marquis des Éperviers

Le marquis des Éperviers

Titel: Le marquis des Éperviers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Paul Desprat
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les Elfes et les Gibelins qui, s’ils existaient, depuis les profondeurs des feuillages, ne devaient pas manquer de s’effrayer de tout ce remue-ménage.
    Victor, découvrant cet amphithéâtre féerique, ne put contenir une exclamation :
    – C’est donc ici le repaire du marquis des Éperviers !
    – Tu le verras assez tôt, bavard ! s’exclama le capitaine en lui appliquant pour toute réponse un grand coup de poing dans le dos.
    – Bavard ! répéta le garçon à la houppe qui s’était mis en tête de la colonne.
    Le jeune prisonnier n’avait pas fait trois pas qu’il s’arrêta de nouveau médusé. Il venait de reconnaître, rangé sous un chêne, le carrosse de madame de Gargilesse, attelé et tout illuminé comme s’il devait s’ébranler sur l’heure. Il n’eut pas le temps d’essayer de comprendre comment cet équipage avait pu parvenir là, qu’il fut de nouveau poussé sur un dernier chemin étroit qui montait se jeter contre un éboulis de rochers. Des hommes à l’accoutrement de paysans étaient assemblés devant ce qui paraissait bien, cette fois, servir l’entrée à une galerie.
    Ce qu’observèrent alors les nouveaux venus leur parut plus que tout le reste fabuleux. Après avoir traversé un court vestibule, encombré de gaillards formant une double haie hérissée de fourches et de faux, ils débouchèrent dans une vaste cathédrale où l’odeur de sauvagine tenait lieu d’encens, dont les parois, embrasées par l’éclat de plusieurs torches suiffeuses, pailletaient comme des tissus d’or. Ce vaisseau était si droit, si majestueux surtout, qu’on ne pouvait imaginer que seule la nature l’eût pu réussir si parfait. Il contenait tout un rameutement d’hommes, assis à même le sol, dont les regards se portaient en un seul point, exactement dans l’axe où se serait dressé le maître-autel d’un sanctuaire.
    Une voix forte et gutturale venait de s’élever à l’instant où les prisonniers entraient :
    – Dis tes gaudés, compagnon ! il est temps de payer.
    Un géant, installé jusque-là parmi les autres spectateurs, se leva prestement. Il enjamba ses voisins. C’était Bonis, le bourreau de la ferme des Perrières ; celui que nous avons surpris plus avant dans l’horreur de ses forfaits. Il courut se jeter aux pieds de celui qui venait de proférer ces paroles terribles, que Victor, dès qu’il se fut retourné, reconnut pour le marquis des Éperviers.
    – Pitié ! criait le condamné froissant les plis du domino noir de son maître, j’ai été trompé, égaré… Je promets que je ne le serai plus !
    – Ce sont tes frères qui t’ont jugé, répliqua le marquis, ici je ne décide rien seul.
    – Vous ne pouvez pas me laisser tuer comme cela, reprit l’ogre en haletant, qui vous restera-t-il bientôt si vous éliminez ainsi tous vos capitaines ?
    – Des gens honnêtes ! riposta le marquis.
    – Mes amis diront qui vous êtes ! menaça Bonis plus blanc que le linceul dont, par la prémonition de ceux qui n’ont plus longtemps à vivre, il devait sentir glisser la face rêche sur son front.
    – Personne ici ne sait mon nom. On ne connaît que mon ardeur à défendre les opprimés.
    – Vous êtes gentilhomme, vous nous trahirez un jour !
    – Regarde bien, misérable ! répondit le chef des rebelles en saisissant la brute par un pan de son buffle, regarde !… Il n’est personne dans cette assemblée pour douter de ma sincérité.
    – C’est un aristocrate, il vous abandonnera !… Il vous livrera aux gens du roi ! reprit Bonis en continuant de chercher dans l’assistance le secours d’un cri compatissant.
    Nul ne broncha. Après quelques secondes, pleines des seuls halètements du condamné, le marquis fit un signe à quelques bûcherons à la taille de géant dont les camisoles sans manches découvraient les bras puissants. Bonis fut empoigné, soulevé, porté en quelques enjambées à l’autre bout de la nef. Le colosse qui marchait en tête, boucher qu’on avait chargé de tenir l’office du bourreau, fendit à grands renforts de cris la presse qui emplissait le corridor d’accès. C’est ainsi que Victor, brutalement plaqué contre le mur, put contempler à quelques pas de lui l’expression désespérée et haineuse qui se peignait sur la face de cet homme qu’on menait à la mort : il suait à gouttes froides, ses traits s’étaient tous affaissés et le sillon, qu’aux Perrières le marquis avait tracé dans sa joue, séparait deux

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