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Le marquis des Éperviers

Le marquis des Éperviers

Titel: Le marquis des Éperviers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Paul Desprat
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qu’en dernier – Deinde philosophare et l’on n’en usera qu’avec d’infinies précautions… Quant à la théologie, pour éviter les troubles que l’on voit de nos jours se répandre du fait de son abus mal digéré, on ne la devrait réserver qu’aux clercs. Enfin, les arts tels que la musique, le dessin d’imagination, les exercices physiques viendront à satiété, en manière de récréation, truffer les interstices de temps dès l’étude des matières générales. Post-scriptum : la poésie sera toujours et irrévocablement bannie.
    L’abbé, parvenu au terme de son fastidieux déchiffrage à force de retourner son papier en tous sens, releva une figure effarée :
    – Voici un beau système ! mais je n’ai réussi à être ni concis, ni clair, ni complet, ni surtout court… La pédagogie s’oublie dès qu’elle commence à s’autobiographier. Desinit in piscem 112 .
    – Je vous ai suivi de bout en bout, protesta monsieur Davignon, il faut, comme vous le proposez, alléger la mémoire des jeunes gens de toutes les fariboles livresques et ne plus contraindre les esprits curieux à se faire tonsurer pour connaître les lois de l’univers.
    – Ah ! cher Charles, fit l’abbé en reboutonnant ses habits parce que l’exaltation malgré la chaleur le faisait frissonner, si un tel système avait pu fonctionner au temps de ma jeunesse, j’aurais accompli le rêve de mon enfance qui était d’être vigneron. Beati pauperes spiritu 113 .
    – La dive bouteille vous a perdu et vos amis s’en réjouissent.
    – L’Église n’est pas si satisfaite qu’eux !
    – Elle aurait tort de se plaindre.
    – Vous savez que les révérends pères 114 me haïssent bien fort.
    – Vous leur attribuez une influence qu’ils n’ont pas, répliqua monsieur Davignon en se levant pour préparer son départ.
    – Qu’ils n’ont pas encore ! rectifia l’abbé se dressant à son tour.
    Ils regagnèrent l’autre bout du salon où le chevalier, pendant tout cet entretien, était demeuré couché sur le flanc, faisant mine de sommeiller.
    – Les fainéants des ministères viennent prendre congé de notre valeureuse armée française ! lui souffla le conseiller lorsqu’il se fut rapproché.
    L’aîné des Thésut, sentant qu’on lui rendait la monnaie de sa pièce, ouvrit un œil vitreux et se mit à geindre. C’était son moyen de défense le plus constant dès qu’il ne se sentait pas en fière position.
    – Ah ! c’est vous, Charles, marmonna-t-il, je me sens à présent plus mal que d’avoir reçu l’absolution d’une main jésuitesse… Ces diables-là doivent m’empoisonner sans que j’y prenne garde et mes médecins, je n’en doute plus désormais, se sont faits leurs complices.
    Il releva sa figure enturbannée de telle façon qu’on vit reluire son nez violacé dans le fuseau de jour qu’étranglait une tenture de brocart tirée. Il retomba ensuite, comme expirant, mais ayant ramassé assez de force pour articuler son cri de guerre :
    – Vive l’Oratoire !… À bas la jésuitière !
    – Il va dormir à présent, murmura l’abbé, fulminer contre ses ennemis finit toujours par l’apaiser.
    Se tournant vers Victor, il ajouta :
    – Alors c’est dit ! soyez ici demain à six heures.
    Celui à qui s’adressait cet ordre rendit à son nouveau tuteur la grâce d’une révérence parfaite.
    – Une fois de plus, vous me comblez ! glissa le conseiller à l’oreille de son vieil ami.
    Et faisant aussitôt passer son neveu devant lui, il s’esquiva sur la pointe des pieds afin de ne pas réveiller le chevalier qui ronflait déjà tout de bon, son petit chat gris ronronnant sur l’éminence de son bedon.
    – Vous voici satisfait, je pense ? demanda monsieur Davignon à Victor lorsqu’ils furent dans le vestibule.
    – Par-delà mes espérances, lui répondit-il avec fougue, je n’aurais jamais osé imaginer qu’il eût été si facile de trouver un premier état…
    – Détrompez-vous ! reprit le conseiller, il n’existe de facilité nulle part lorsqu’il s’agit de construire ce qui dure… Pour compenser l’iniquité qui vous accable, j’ai fait jouer trente ans d’une amitié exemplaire défendue pied à pied contre l’envie, l’occupation de chaque jour et l’égoïsme… Malgré cela, cher enfant, votre position n’est qu’un fétu. C’est à vous seul désormais qu’il appartient de lui donner un corps.
    Le cabriolet du conseiller attendait face au palais, le long

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