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Le marquis des Éperviers

Le marquis des Éperviers

Titel: Le marquis des Éperviers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Paul Desprat
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des bâtiments du corps de garde que le duc d’Orléans avait commencé de faire abattre pour édifier un château d’eau. Victor et son oncle se disposaient à traverser la place transformée en carreau par quelques marchandes de cresson venues du Roule avec leur hotte sur le dos, lorsque, dans le lointain, se fit un fracas de timbales.
    Au bout de la rue Saint-Honoré, aux façades blanches festonnées de draps écrus séchant, se déploya tout un ramas de couleurs pailleté par l’éclat d’innombrables harnais qui clignotaient dans la poussière.
    Un minuscule piqueur enfoncé sous un tricorne à galon, les épaules retombant sous le poids de passementeries dorées, parut en premier, couché sur un alezan fougueux. Il fendait la presse aux cris de :
    – Gare !… Gare !
    Un groupe d’à peu près vingt gardes du corps en habit rouge, perruque courte et ceinturon de cuir, suivait.
    – Vous allez voir le duc d’Orléans qui entre chez lui, annonça monsieur Davignon, observez la seconde voiture !
    Trois carrosses peints, aux toits couverts de riches housses à glands – c’était un privilège de prince et de duc – décrivirent un quart de cercle pour s’engager sous le porche du palais. Dans la voiture du milieu, tirée à six chevaux gris et chargée de laquais, Victor put entr’apercevoir un personnage de haute stature qui fit un petit signe au capitaine d’un régiment irlandais rendant les honneurs.
    – Vous serez demain l’employé de ce prince, ajouta le conseiller à l’adresse de son neveu qui continuait d’écarquiller les yeux, c’est un homme bien jeune encore pour tenir l’écrasante position qui vient de lui échoir mais on le dit plein de capacités… Mieux vaut d’ailleurs, quand on a votre âge, se pousser derrière ceux que l’audace incite à entreprendre plutôt qu’aller moissonner les lauriers des gloires oubliées.
    Victor, regrimpé dans la voiture de son oncle, détourna une dernière fois son regard pour considérer le lieu où son existence allait pour quelques temps s’ancrer. Du seul fait de l’arrivée du prince, le palais se trouvait assailli d’une foule trépignante, mêlée de fournisseurs qui portaient des cartons, de domestiques qui tendaient des billets de placement, de curieux enfin, agis par l’impérieux besoin de humer de près la grandeur, et qui, agglutinés avec ceux qui avaient à faire, concouraient à produire là le bourdonnement d’une ruche laborieuse.
     
    De retour chez ses parents, le nouveau disciple des Thésut décida de mettre à profit ses derniers instants de liberté pour répondre à ses engagements de fugitif. Il s’enferma d’abord pour écrire à Marie de Rignac, bien déterminé, lorsqu’il aurait achevé, à aller s’acquitter de la mission que lui avait confiée Maximilien de Carresse.
    Voici quel était le texte de la lettre qu’il destinait à la fille du capitaine La Galoche :

    Paris, le 17 septembre 1702,
    « Ma tendre Marie,
    Paris me fait songer à deux fées étourdies qui auraient oublié chacune ce qu’il convient de dire pour arrêter l’effet des prodiges engendrés par leur baguette. La première serait une fée gracieuse qui entasserait sans se lasser les splendeurs, les élégances parfaites et les monuments merveilleux ; la seconde une vilaine Carabosse qui propagerait la laideur comme à plaisir, barbouillant la crasse et suscitant la gueuserie. Comment peindre tant de diverses impressions ? Je ne suis pas encore revenu de me trouver dans cette fournaise et mes yeux clignent encore d’émerveillement.
    Mes parents Davignon sont gens on ne peut plus aimables, charitables et attentifs à panser mes plaies. Je m’entends au mieux avec leur filleul, Jean-Hercule, qui s’est chargé de guider mes premiers pas dans la ville. J’ai déjà trois habits neufs, deux de drap et un de velours, deux perruques, des souliers à talonnettes qui me rendent méconnaissable. Vous-même, si je paraissais devant vous, ne me reconnaîtriez pas.
    Marie, je n’oublie pas notre serment, cette ville ne me l’arrachera pas du cœur. Je ne travaille qu’à me rapprocher de Rignac.
    Votre Victor »

    Ressortant de chez lui en tenant collée à ses lèvres la missive qu’il venait de cacheter et qu’il s’apprêtait à faire porter aux messageries, il passa chez le vidame qu’il découvrit abîmé dans l’étude.
    – J’ai promis à l’un de mes amis, lui annonça-t-il, d’aller saluer de sa part une personne

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