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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Noah Gordon
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et mit un autre condamné à sa place.
    Vers midi, il
sentit sa langue râpeuse gonfler dans sa bouche. Le soleil semblait avoir pompé
tous les liquides de son corps, il ne restait rien à éliminer. Le récit de Lonzano
lui revint en mémoire : la fin de Calman, mort de soif. Il tourna la tête
et rencontra le regard du nouveau prisonnier. Ils s'observèrent.
    « Il n'y
a personne à qui demander grâce ?
    – A Allah. Tu
es étranger ? fit l'autre d'un ton haineux. Tu as vu un mullah  ?
Un saint homme a prononcé la sentence, voilà tout. »
    Le déclin du
soleil lui fut une bénédiction, et la fraîcheur du soir une espèce de joie. Son
corps engourdi ne souffrait même plus. Peut-être allait-il mourir ?
    Pendant la
nuit, son voisin lui parla.
    « Il y a
le chah, Juif étranger, dit-il. Hier, c'était mercredi, Chahan Shanhah ,
aujourd'hui c'est Panj Shanhah . Chaque semaine, le matin de ce
jour-ci, pour se purifier avant le sabbat, Ala Al-Dawla donne une
audience ; chacun peut se présenter devant son trône pour réclamer
justice.
    – N'importe
qui ? demanda Rob dans un élan d'espoir.
    – N'importe
qui, même un prisonnier peut obtenir d'être mené devant lui.
    – N'y va
pas ! cria une voix dans le noir. Le chah ne casse pas les jugements des
muftis, et les mullahs attendent le retour de ceux qui lui ont fait perdre son
temps pour leur couper la langue ou les étriper. Il le sait, ce fils de pute,
donneur de mauvais conseils. Fie-toi à Allah, pas au chah ! »
     
    Vingt-quatre
heures après sa condamnation, Rob était relâché. Il avait du mal à se tenir
debout et un geôlier finit par le chasser avec un coup de pied. Quittant la
prison en traînant la jambe, il s'arrêta au bord d'une fontaine, sur une grande
place entourée de platanes, but à perdre haleine et plongea la tête dans l'eau
jusqu'à faire tinter ses oreilles.
    Un petit
vendeur gras chassait les mouches autour de sa marmite fumante. L'affamé crut
en défaillir ; il ouvrit sa bourse, mais à la place de l'argent qui
l'aurait fait vivre plusieurs mois, il ne restait qu'une pièce de bronze :
on l'avait dévalisé pendant son évanouissement. Cette dernière pièce – pitié ou
ironie du voleur –, il la donna au marchand en échange d'un peu de pilah
graisseux, qu'il avala trop vite et vomit presque aussitôt.
    « Où vont
tous ces gens ? demanda-t-il, surpris de les voir se presser dans la même
direction.
    – A l'audience
du chah », lui répondit-on avec un regard de suspicion pour son visage
meurtri.
    Il suivit le
flot. Pourquoi pas ? Jeunes et vieux, étudiants et mullahs, mendiants ou
cavaliers, la foule prit l'avenue d'Ali-et-Fatima, puis celle des Mille-Jardins
et tourna dans le boulevard des Portes-du-Paradis. Au-delà d'une vaste pelouse
encadrée de piliers, après les demeures de la Cour, les terrasses et les
jardins, Rob découvrit un édifice à la fois imposant et plein de grâce,
surmonté de dômes et ceint de remparts qu'arpentaient des sentinelles aux
casques étincelants sous des oriflammes multicolores qui flottaient dans la
brise.
    « Quelle
est cette forteresse ? demanda-t-il à un des Juifs dont il avait suivi le
groupe.
    – C'est la
Maison du Paradis, le palais du chah, pardi ! Mais, tu saignes, ami ?
    – Un accident,
ce n'est rien. »
    La salle des
Piliers, moitié aussi vaste que la cathédrale Sainte-Sophie, était pavée de
marbre. Ses murs et ses hautes voûtes de pierre, habilement ajourés d'étroites
ouvertures laissaient pénétrer la lumière du jour. Rob, en entrant, la trouva
déjà pleine de gens de toutes conditions : tuniques brodées et turbans de
soie de la classe supérieure, cavaliers dont des serviteurs s'empressaient de
prendre les chevaux, fonctionnaires aux turbans gris qui passaient dans la
foule pour recueillir les requêtes. Il se fraya un chemin jusqu'à l'un d'eux et
se fit inscrire en épelant laborieusement son nom.
    Un homme de
haute taille venait d'entrer dans la partie surélevée de la salle où se
dressait le trône royal, et il s'assit sur un des sièges placés en contrebas, à
la droite de celui du chah.
    « Qui
est-ce ? demanda Rob au Juif qui l'avait déjà renseigné.
    – C'est le
grand vizir, le saint imam Mirza-aboul Qandrasseh », dit l'homme non sans
inquiétude, car il n'avait échappé à personne que Rob avait déposé une requête.
    Le chah Ala
al-Dawla gagna l'estrade à grands pas, détacha son ceinturon et posa à

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