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Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Titel: Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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d’Avranches, c’est lui qui tint l’une des
filles d’Aliénor d’Aquitaine sur les fonts baptismaux. Il participa, en
Grande-Bretagne, à la translation des restes du saint roi saxon Édouard le Confesseur.
Il prépara le mariage de Geoffroy Plantagenêt, fils d’Henry II, avec l’héritière
de Bretagne, Constance. Il fit nommer un prêtre italien, doyen du chapitre d’Avranches,
fidèle aux Plantagenêt, sur le siège épiscopal de Dol-de-Bretagne. Il encouragea
le roi d’Angleterre à contester l’obligation de l’hommage qu’il devait au roi
de France pour le duché de Normandie. Après le meurtre de Thomas de Canterbury,
perpétré sur les ordres d’Henry II, Robert de Thorigni se garda bien
de blâmer le roi d’Angleterre : au contraire, il prépara activement la
réconciliation solennelle du Plantagenêt avec l’Église.
    Tout cela n’était pas sans contrepartie. Henry II
combla de bienfaits l’abbé du Mont, notamment par la charte de 1175 par
laquelle le roi d’Angleterre confirmait de façon définitive les multiples
donations qui avaient été accordées à l’abbaye. Partout où cette abbaye
possédait des biens, Robert de Thorigni fit reconnaître l’autorité
monacale comme supérieure à l’autorité civile. Parfois même, l’abbé eut à assumer
des fonctions militaires, comme à Pontorson. Robert s’était fait donner l’église
de Pontorson par Henry II, mais Aquilin de Tours, seigneur du château de
Pontorson, commettait des exactions sur les terres appartenant au Mont. Robert
de Thorigni protesta si vigoureusement auprès du roi que celui-ci ôta la
garde de la place à Aquilin de Tours pour la confier à l’abbé. Ainsi Pontorson,
la plus proche ville du Mont, constitua-t-elle une protection efficace et
durable dans le système de défense du Mont, ce qui n’était nullement
négligeable par ces temps troublés. Et Robert de Thorigni voyait son
prestige grandir : il fut non seulement un remarquable meneur d’hommes, mais
un conseiller souvent sollicité et écouté par les grands de ce monde.
    Dans l’abbaye elle-même, il comprit qu’avec l’afflux des pèlerins,
il fallait augmenter le nombre des moines qui passèrent ainsi en quelques
années de trente à soixante, permettant ainsi une meilleure répartition des
tâches et un meilleur accueil pour les visiteurs. De plus, l’accroissement des
richesses rendait nécessaire une surveillance plus complexe et plus étroite du
domaine monastique. Cela n’empêcha pas l’abbaye de pourvoir à l’entretien de
prêtres réguliers en dehors de l’enceinte claustrale, et la ville proprement
dite devint une paroisse desservie par des chanoines. Quant aux bâtiments
conventuels, ils furent agrandis pour permettre le logement des malades que soignaient
les moines et celui des novices qui étaient formés sur place. Et l’abbé
poursuivit l’embellissement de l’église, notamment la façade occidentale
aujourd’hui disparue, et deux grandes tours furent construites, dont il ne
reste rien, mais qui, paraît-il, ressemblaient à celles de l’abbaye de Jumièges.
    Enfin, Robert de Thorigni fut un homme de lettres. Il
écrivit lui-même quelque cent quarante ouvrages d’ordre essentiellement
historique, en particulier une « Histoire du Mont », des traités sur
les abbayes normandes, des commentaires sur Pline l’Ancien et saint Augustin. Héritier
de la tradition intellectuelle de l’abbaye du Bec-Hellouin, où il avait été
moine pendant sa jeunesse, il provoqua l’éclosion d’une véritable école
montoise, tant au point de vue historique et littéraire qu’au point de vue
musical. Le plus célèbre disciple de cette école montoise sera le moine
Guillaume de Saint-Pair, un authentique « trouvère » qui écrivait non
plus en latin, comme Robert de Thorigni, mais en langue « vulgaire »,
c’est-à-dire en roman  : sa principale œuvre
reste une histoire en vers du Mont-Saint-Michel dans laquelle se mêlent
étroitement les faits authentiques, les traditions et les légendes locales. Et
l’œuvre est évidemment un hommage sans réserve au pèlerinage, une exaltation de
la joie et des bienfaits que retirent tous ceux qui font l’effort de venir
jusqu’à « monsieur saint Michel » au Péril de la Mer…
    Si la fin du XII e  siècle,
grâce à la dynastie des Plantagenêts qui furent les protecteurs assidus de l’abbaye,
marque l’apogée de la grandeur du Mont-Saint-Michel, le

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