Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon
prieurés devinrent souvent des lieux de
refuge ou de retraite pour les moines qui ne pouvaient plus supporter la vie
communautaire du Mont.
Enfin, l’abbaye jouait un rôle politique, du fait que les
abbés étaient des chefs temporels, donc seigneurs de domaines qui leur avaient
été donnés. Au XIII e siècle, l’abbé du
Mont-Saint-Michel était baron de Genêts, baron de Saint-Pair et baron d’Ardevon,
assise foncière constituée, au siècle précédent, par les rois-ducs de Normandie.
Mais il était également seigneur de différentes terres, en Bretagne et dans diverses
régions de l’ouest de la France, et également en Grande-Bretagne, dans le
diocèse d’Exeter, sans compter le Mont-Saint-Michel de Penzance, à la pointe du
Cornwall. Enfin, il ne faut pas oublier que le Mont est une île au milieu d’un
domaine maritime : les îles Chausey, d’où furent extraits les blocs de
granit utilisés pour la construction du sanctuaire et des bâtiments conventuels,
appartenaient à l’abbaye, ainsi que certaines terres à Jersey et à Guernesey, et
les îles de Sercq et d’Aurigny qui servirent souvent de lieu de retraite pour
les moines. Cependant, le fait qu’il n’y a jamais eu de port au
Mont-Saint-Michel, et que la baie n’est guère navigable, n’a pas fait de l’abbaye
une puissance maritime.
Le XIV e siècle, avec
la guerre de Cent Ans, va ouvrir pour le Mont-Saint-Michel une période à la
fois glorieuse et tragique. Cette guerre débuta en 1335, et, immédiatement, la
Normandie, traditionnellement liée à l’Angleterre, devint un champ de bataille
obligatoire. Le Cotentin fut envahi par les troupes anglaises, et le Mont fut
menacé. Puis, à partir de 1348, la Peste noire se mit à ravager le continent, et
le Mont dut payer un lourd tribut à l’épidémie : si, en 1337, on comptait
quarante-deux moines, en 1390, il n’y en avait plus qu’une vingtaine. En 1350, la
foudre tombe sur l’église abbatiale qui est incendiée. On la restaure aussitôt,
mais en 1374, toujours à cause de la foudre, elle brille à nouveau, et cette
fois le dortoir des moines ainsi qu’une partie de la ville sont la proie des
flammes. Et la menace anglaise se précise, car une riche abbaye est toujours
une proie tentante, d’autant plus que, affectivement pourrait-on dire, les rois
anglais ont toujours considéré le Mont-Saint-Michel comme faisant partie de
leur patrimoine. En 1356, les Anglais s’emparent de l’îlot de Tombelaine et y
établissent une garnison qui, ne pouvant être délogée, va constituer pendant
longtemps un danger pour toute la région, et un poste d’observation de première
importance. L’année suivante, en raison des circonstances, l’abbé du Mont, par
ordonnance royale, devint chef militaire : il prenait le commandement des
six hommes d’armes et des huit archers qui constituaient la garnison, ce qui, en
réalité, était très important, puisque chaque homme d’armes était un seigneur
accompagné de plusieurs soldats qu’il entretenait lui-même. Mais pour subvenir
aux besoins de cette garnison, l’abbé dut lever un impôt sur les marchands qui
circulaient sur les terres appartenant au Mont. Et l’on fit d’importants travaux
de fortification, quitte à détruire systématiquement certaines maisons trop
exposées et trop fragiles, qui auraient pu être incendiées par l’ennemi. C’est
pendant cette période que Bertrand du Guesclin fit bâtir une maison pour
sa femme Tiphaine Raguenel, maison qu’il occupa lui-même chaque fois qu’il vint
au Mont, dont il s’était plusieurs fois déclaré le protecteur, en tant que
titulaire du titre de « capitaine de Pontorson ».
À partir de 1376, les difficultés de la guerre se
compliquent du fait du malencontreux schisme d’Occident. Tandis que le pape
Urbain VI règne à Rome, le cardinal de Genève est désigné lui aussi comme
pape, mais réside en Avignon. Les moines du Mont reconnaissent le pape d’Avignon,
qui prend le nom de Clément VII, suivant en cela l’exemple du roi de France,
tandis que le roi anglais adopte le parti d’Urbain VI. Le Mont est assiégé
plusieurs fois, mais il ne tombe jamais aux mains des Anglais.
En 1386, Pierre Le Roy devient abbé. C’est un
organisateur d’une grande rigueur. Il s’occupe de faciliter l’activité intellectuelle
des moines et entreprend de nouvelles constructions, celle du chartrier
notamment, et celle de la Tour Perrine, qui lui doit
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