Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Titel: Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
Vom Netzwerk:
l’abbaye et de toutes les
positions du sud. Des moines ont résisté, et ils ont été tués. Nous allons
jeter un cadavre à Monseigneur. Suivez-moi. » Le lieutenant suivit le
traître jusqu’au corps de garde, mais là, dès qu’il eut franchi le seuil, il
fut immédiatement poignardé. Comme l’avaient été les trente autres Huguenots
qui l’avaient précédé. Car Jean Courtils, plein de remords d’avoir donné sa
parole au chef protestant, s’était confessé dévotement et avait tout raconté au
capitaine-gouverneur. L’histoire ne dit pas s’il avait gardé les cent écus, mais
il avait été décidé que Jean Courtils ferait semblant de mettre le plan à
exécution, et qu’il amènerait les Huguenots dans un piège.
    Comme Courtils avait compris ce que voulait Montgommery, il
alla choisir un cadavre de Huguenot, le revêtit d’une robe de moine, le
défigura et balança le cadavre par-dessus le mur. Le corps vint s’abattre aux
pieds de Montgommery. Celui-ci, comprenant que tout allait bien, continua à
faire monter ses hommes. Cinquante protestants furent ainsi hissés et froidement
poignardés. Pourtant Montgommery commençait à s’inquiéter : point de
lumières là-haut, point de cris de victoire, rien que le silence… Il voulut
monter à son tour, mais son page le devança et disparut dans la nuit noire.
    Quelques instants plus tard, un cri terrible retentit :
« Trahison ! trahison ! » Et un corps roula le long de la
muraille. C’était le page. Celui-ci s’était méfié, avant d’entrer dans le corps
de garde, et il avait aperçu les soldats prêts à le poignarder. Il s’était jeté
en arrière, et, tout en donnant l’alarme, il avait préféré se jeter dans le
vide plutôt que de périr sous le poignard. Montgommery comprit alors qu’il
avait été joué, d’autant plus que les défenseurs de l’abbaye se mirent à les
mitrailler. Avec ce qui lui restait d’hommes, il se hâta de s’enfuir, la rage
au cœur et le désespoir dans l’âme, tandis que les cloches du Mont sonnaient à
toute volée, accompagnant le Te Deum que les
moines, les défenseurs de l’abbaye et les habitants de la ville ne manquèrent
pas de chanter pour remercier le Ciel de leur délivrance. Le tout est de savoir
si saint Michel était intervenu lui-même dans une action qui ressemblait
davantage à de l’assassinat qu’à une lutte à armes égales. L’ambiguïté du Mont
se retrouve dans tous les domaines, y compris dans les actes de légitime
défense.
    Au reste, tout est loin d’être glorieux dans l’histoire du
Mont-Saint-Michel, si l’on en croit les abondantes chroniques sur les multiples
événements qui s’y déroulèrent. La face sacrée du Mont ne doit pas estomper la
face profane et parfois sordide que tout rassemblement humain contribue à former.
En 1662, par exemple, l’épouse du gouverneur, M. de la Chastière, fit
parler d’elle en des termes peu flatteurs. Le gouverneur avait rencontré cette
femme alors qu’il « prenait les eaux » de Bourbon, en Bourbonnais, mais
il était évident que la future Madame de la Chastière, qui avait été « demoiselle
suivante de Madame la duchesse de Longueville », qui se nommait Cécile
Legay, passait son temps à prendre tout autre chose que les eaux. Bref, M.
 de la Chastière l’avait épousée et l’avait amenée au Mont. Dès leur
arrivée, les deux époux, avides de biens, s’étaient efforcés de pressurer les
moines, leur imposant taxes et vexations diverses et déclenchant de leur part
une franche hostilité. Madame de la Chastière se montre la plus ardente à
persécuter les religieux. Une nuit, elle fait changer toutes les serrures du
couvent et condamner toutes les portes de communication entre les lieux
réguliers, où seuls les religieux ont le droit de circuler. Chaque fois que les
moines se livrent à leurs méditations, elle fait battre le tambour dans les
couloirs. Une fois même, à ce que raconte le chroniqueur Étienne Jobard, elle
entre à pas de loup dans la cellule d’un moine particulièrement vertueux, dom
Mancel, et cela presque « dans le simple appareil d’une beauté qu’on vient
d’arracher au sommeil ». Mais quant à sa beauté, elle est mise en doute, précisément
par ce dom Mancel dont on lui a répété une plaisanterie : un jour qu’un
plâtrier travaillait sur le mur du réfectoire, le religieux avait osé dire à l’ouvrier
de ne pas tant gâcher de plâtre

Weitere Kostenlose Bücher