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Le mouton noir

Le mouton noir

Titel: Le mouton noir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Langlois
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d’inquiéter sa mère en se montrant particulièrement réfractaire à ses conseils et en devenant une jeune femme butée. Isabelle faisait de plus en plus penser à son père au même âge et Marie s’en ouvrit à Justine:
    â€” Tu ne peux pas savoir à quel point elle lui ressemble. Je le vois encore quand mes parents l’ont envoyé étudier au Séminaire. Il faisait son désinvolte et est parti la tête haute comme s’il s’enfuyait d’une prison. Pourtant, il avait été choyé et bien entouré au manoir, ne manquant jamais de rien, un peu comme ta fille. Dans son cas, nous avons raison de dire tel père, telle fille.
    Marcellin n’était plus là pour intervenir et faire entendre raison à la jeune fille. Il ne fallait pas non plus compter sur Clément pour jouer ce rôle. Isabelle s’était mise dans la tête qu’il lui fallait briller à tous les bals. Elle y obtenait du succès auprès de tous les jeunes hommes, qui restaient fascinés par sa vivacité d’esprit et l’éclat de sa beauté. Elle savait faire rire, avait réponse à tout et attirait l’attention par ses réparties toujours à point.
    L’été s’avérait une saison propice aux bals champêtres fréquentés par tout ce que Verchères et les environs comptaient de fils de nobles et de bourgeois. Des militaires de passage se joignaient à tout ce beau monde et on dansait des heures durant pour oublier les tracas quotidiens. Isabelle revenait enchantée de ces soirées grandioses. Elle soupirait après l’instant où, comme la plupart des jeunes femmes qu’elle côtoyait, elle pourrait danser au bras de l’élu de son cœur.
    Le mois de juin apporta les premières vraies chaleurs de la saison. Isabelle avait pris l’habitude de se rendre chaque jour flâner le long du fleuve, non loin du pavillon de chasse où elle s’arrêtait à l’occasion saluer son père, toujours fort occupé à la production de ses chapeaux. Un beau jour, vers le milieu du mois, elle ne revint pas de sa promenade. Justine s’inquiéta de ne pas la voir paraître au souper. Elle donna l’alerte aux serviteurs, fit prévenir Clément et ne manqua pas d’interroger Françoise et Marie-Louise.
    â€” Vous n’avez pas vu votre sœur?
    â€” Non, pas depuis ce midi qu’elle est sortie pour sa promenade quotidienne.
    â€” Pourrait-elle s’être rendue ailleurs sans prévenir?
    â€” Ce n’est pas dans ses habitudes.
    â€” Aurait-elle eu un malaise, ou subi une blessure qui l’empêcherait de regagner la maison?
    N’obtenant aucune réponse à ses interrogations, Justine organisa une battue du côté du fleuve. Interrogé à savoir s’il l’avait vue, Clément dit qu’elle ne s’était pas arrêtée ce jour-là au pavillon. Que pouvait-elle être devenue? La battue n’ayant pas donné de résultat, Justine expédia Abel au fort de Verchères s’enquérir si elle ne s’y trouvait pas. Quand il revint en disant que personne ne l’y avait vue, ce fut la consternation. Avait-elle été la victime d’une bête sauvage? Les recherches poursuivies avec intensité au cours des jours suivants s’avérèrent vaines. Que lui était-il arrivé?
    Appelé à Montréal pour son travail, Clément y mena son enquête. À la demande de Justine, il fit apposer des affiches aux portes des auberges. On y signalait la disparition de la jeune femme en précisant qu’une forte récompense serait rattachée à tout renseignement pertinent à son sujet. Au bout d’un mois, il fallut se rendre à l’évidence: Isabelle avait bel et bien disparu et Justine ne s’en consolait pas. Malgré les moustiques abondants en ce temps de l’année, elle se rendait chaque jour au bord du fleuve, s’attardant obstinément à fouiller les moindres buissons. Elle se consolait en se disant que si sa fille avait été attaquée par une bête, on aurait certainement trouvé quelque part dans les fourrés des lambeaux de vêtement ou de chair. Son cœur de mère lui disait que sa fille vivait toujours et elle ne désespérait pas de la revoir un jour, souriante et vive, lui

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