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Le Pacte des assassins

Le Pacte des assassins

Titel: Le Pacte des assassins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Elles ne lui pèsent pas, au contraire, elles lui garantissent qu’on
se soucie de lui, qu’il est vraiment une pièce importante dans l’offensive
stalinienne.
    D’ailleurs, à Moscou il dispose, fait
exceptionnel, d’une voiture personnelle, d’un chauffeur et d’un garde du corps,
un agent des “Organes”.
    Je l’ai vu dîner avec Trounzé et Piatanov à l’hôtel
Lux.
    Il a même appris des rudiments de russe et d’allemand,
et c’est en usant de l’une et l’autre de ces langues qu’il m’a invitée à
déjeuner. Il a savouré mon étonnement, esquissant un sourire : “Ne
sommes-nous pas des internationalistes ?”, a-t-il dit. Puis son visage s’est
refermé, rembruni :
    — Vous, vous avez trouvé tout ça dans
votre berceau. Moi, dans mon couffin il n’y avait rien, pas même un nom, pas
même un prénom.
    Puis il s’est levé comme s’il avait craint que
je ne l’interroge à propos de cette phrase énigmatique. »
    Elle l’était pour
Julia Garelli.
    Elle ne pouvait imaginer le couffin devant la
bergerie, les chiens qui le reniflaient, l’orphelinat de Carpentras, ce 31
juillet 1893, ce prénom et ce nom d’emprunt : Alfred Berger.
    Elle ne voyait qu’un homme dont l’influence en
France et à Moscou paraissait s’accroître. On prétendait qu’il avait été reçu
par Staline qui l’aurait félicité pour son « travail révolutionnaire
auprès des camarades français ».
    En novembre 1936, Julia s’était adressée à
Berger malgré le dégoût et la crainte qu’il lui inspirait. Elle aurait souhaité
qu’il facilite les démarches de Heinz Knepper, lequel voulait s’engager dans les
Brigades internationales et combattre en Espagne, échapper ainsi à l’atmosphère
de terreur qui peu à peu asphyxiait Moscou.
    Mais Alfred Berger, comme tous les membres du
Parti ou de l’Internationale, était soucieux de ne pas se compromettre, de ne
pas risquer sa vie pour quelques phrases échangées avec l’épouse d’un suspect –
or Heinz Knepper l’était déjà.
    Et, après son arrestation en 1937, Alfred
Berger avait fait mine de ne pas reconnaître Julia Garelli-Knepper.
    Tel avait été l’homme dont je portais le nom.
    Julia Garelli ne le
mentionnait plus dans les quelques lignes qu’elle avait pu écrire, conserver et
transmettre durant ses déportations en Sibérie et à Ravensbrück.
    Mais, grâce à d’autres sources, je n’avais pas
perdu la trace d’Alfred Berger entre 1938 et 1945. J’y reviendrai.
    Il reparaît dans le journal de Julia en 1949. Elle
est alors, pour l’opinion, la rescapée des camps soviétiques et nazis, celle
que Staline a livrée avec quelques dizaines d’autres exilés allemands à la
Gestapo, celle qui témoigne en faveur d’un Russe, Victor Kravchenko, calomnié
par la presse communiste, accusé d’être un affabulateur, un faussaire, un agent
américain lorsqu’il décrit le régime stalinien, ses exécutions, ses
déportations, cette société soviétique inégalitaire, totalitaire, que les
communistes français persistent à présenter comme une oasis de bonheur dans l’enfer
capitaliste mondial.
    Et l’un des accusateurs de Kravchenko, l’homme
qui, présenté comme un héros de la Résistance, accable Julia Garelli-Knepper, la
qualifie d’agent des nazis, n’est autre qu’Alfred Berger.
    « Alfred Berger
ose prêter serment de dire la vérité, écrit Julia dans son journal. Une telle
imposture, qui ne devrait pas me surprendre après ce que j’ai vécu, me
désespère encore.
    Il ne s’agit pas ici du procès.
    Je doute des valeurs humaines, je m’interroge
sur l’Homme, je suis, comme je l’ai été dans les camps, tentée de penser que la
barbarie est la plus forte, et je ne veux pas que cette conviction me gangrène.
    Si elle me ronge, je n’ai plus qu’une issue – et
tant de mes compagnes l’ont empruntée : la mort. J’ai trop hurlé en moi
quand l’une ou l’autre de mes camarades se précipitait sur les barbelés
électrifiés afin de mourir, pour choisir moi-même, qui ai survécu, cette voie
du désespoir.
    Pour elles, mes camarades mortes, je ne le
peux pas, je ne le dois pas.
    Mais les propos d’Alfred Berger me plongent
dans une amère tristesse. C’est comme s’il insultait tous ces morts, Heinz, Willy,
Thaddeus, mes camarades proches, et les déportées, mes compagnes de misère.
    J’ai eu alors besoin de retrouver Isabelle
Ripert.
    « Nous nous
sommes connues à

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