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Le Pacte des assassins

Le Pacte des assassins

Titel: Le Pacte des assassins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Albert Jouvin et
Pierre Doucet.
    Leurs calomnies, leurs insultes avaient même
rendu Julia plus déterminée.
    Elle souriait en les écoutant.
    Elle pensait aux millions de punaises qui
grouillaient dans la hutte d’argile où elle avait vécu au camp de Karaganda. Comment
pouvait-elle craindre ces hommes-là ?
    Elle s’était sentie indestructible, et c’est
en cette année 1949 qu’elle avait écrit : Tu leur diras qui je fus, n’est-ce
pas ? et Tu auras pour moi la clémence du juge, puis créé sa
Fondation et rassemblé à Cabris, dans son « sanctuaire », documents
et témoignages.
    Plus tard, David Berger veillerait sur ces
archives, ses carnets de notes à partir desquels il composerait le récit de la
vie de Julia Garelli-Knepper qu’il appellerait lui aussi, comme Arthur Orwett, L’héroïque.
    Elle avait quitté
Berlin, au mois de juillet 1938, sans illusion sur le sort qui l’attendrait à
Moscou.
    Sergueï Volkoff, l’officier du NKVD, le
dénonciateur, le successeur de l’ambassadeur Alexandre Meskine, l’avait accompagnée
et elle s’était trouvée seule avec lui dans un compartiment qu’il avait réservé
et où les contrôleurs allemands n’avaient pas le droit de pénétrer. Volkoff
bénéficiait de l’immunité diplomatique.
    Jusqu’à la frontière
russe, il était resté silencieux, ne la quittant pas des yeux, son visage à
elle exprimant plus que du mépris : du dégoût et même une rage contenue.
    Julia s’était étonnée de sa propre sérénité. Elle
était habitée par le sentiment qu’en elle existait un bloc que personne, d’aucune
manière, ne pourrait briser ni émietter.
    Et tout en regardant défiler la plaine
herbeuse et infinie de Poméranie, elle avait revécu les jours qu’elle avait
passés avec Arthur Orwett. On aurait beau la lapider : elle n’oublierait
jamais.
    C’était comme si cet amour inattendu, absolu, avait
ravivé tout ce qu’il y avait eu de généreux, de noble, de beau – quels autres
mots employer ? – dans sa vie.
    Ces quelques jours au bord de la Baltique, cette
harmonie entre Orwett et elle, dont l’un et l’autre savaient qu’ils ne seraient
qu’une brève échappée, mais d’une intensité si forte qu’ils illumineraient l’avant
et l’après, la rendaient invulnérable.
    Sergueï Volkoff pouvait bien la fixer de ses
yeux exorbités, furibonds ; elle ne le craignait pas.
    Mais, lorsque le train avait commencé à rouler
sur la terre soviétique, Volkoff était devenu brutal et grossier, nerveux, le
visage empourpré, ne supportant plus le silence, la placidité qu’elle lui
opposait.
    Alors était venu le temps des diatribes et des
injures.
    « Qu’est-ce qu’elle
croyait, lui avait-il dit, que le pouvoir soviétique allait prendre des gants
avec elle parce qu’elle était italienne, comtesse de merde ?
    Mais on avait jugé, condamné, exécuté des
milliers de traîtres qui prétendaient avoir été des camarades de Lénine, et on
les avait démasqués, on s’était débarrassé de Kamenev et de Zinoviev, de
Boukharine et même des maréchaux comme Toukhatchevski, car personne n’échappait
à la justice des Soviets : pas de privilégiés, tous moujiks !
    Et elle, qu’est-ce qu’elle était ?
    Une salope, une vendue, une espionne, une
fasciste qui s’était vautrée avec des porcs, ces Juifs, ces traîtres de Willy
Munzer et de Thaddeus Rosenwald, ces nazis comme Karl von Kleist, et ce
journaliste anglais, Orwett, qu’on avait eu tort de ne pas liquider en Espagne
en même temps que la vermine trotskiste ! Mais on irait le rechercher là
où il se terrait.
    Et elle allait payer, elle qui avait passé sa
vie comme une parasite du peuple russe, et qui, au lieu de le servir, s’était
gobergée à ses frais dans les palaces de Paris, de Berlin, de Rome, et l’avait
trahi !
    On allait la fourrer dans un isolateur ! Elle
n’imaginait pas ce que c’était, de rester seule dans une sorte de placard, sans
ouverture. Elle y grillerait l’été et elle y gèlerait l’hiver. Elle boirait son
urine, elle se couvrirait de merde, parce qu’elle deviendrait folle. Elle
supplierait qu’on lui pardonne ou qu’on la tue !
    À la fin, elle avouerait tout. Le camarade
Beria savait attendre. Il recueillait lui-même les aveux. Il n’hésitait pas à
prendre un gourdin et à frapper !
    Et si elle avait cru qu’elle allait retrouver
Heinz Knepper, elle se mettait le bras dans le cul jusqu’au coude !

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