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Le Pacte des assassins

Le Pacte des assassins

Titel: Le Pacte des assassins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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l’index de la
main droite, il tournait les pages, lentement, comme s’il avait ignoré que
Poskrebychev avait poussé Julia dans le bureau après l’avoir fouillée, sans
prononcer un mot.
    Les larges paumes, les doigts épais du
secrétaire-garde du corps avaient glissé sur elle, palpant Julia. Au fur et à
mesure que ces mains passaient sur son dos, remontaient vers sa nuque, puis
redescendaient, touchant ses fesses et ses cuisses, elle avait eu le sentiment
qu’elle cessait d’être une personne avec des émotions, une mémoire, une
espérance, pour devenir de la chair qu’on apprêtait avant de la jeter en pâture
au loup.
    Ce que Poskrebychev avait fait, la main gauche
sur les reins de Julia, la droite ouvrant la porte puis la refermant derrière
elle.
    Les yeux de Julia s’étaient
habitués peu à peu à la pénombre et elle avait distingué les joues grêlées, la
main gauche atrophiée. L’épaisse moustache lui avait semblé non pas blanchie, mais
jaunie comme peut l’être l’étoupe.
    Il s’était lentement écarté du bord de la
table, s’appuyant au dossier du fauteuil, et elle avait croisé son regard. Ses
yeux noisette et miel étaient brillants ; de petites rides creusaient
autour des orbites la peau mate.
    Il avait commencé à bourrer sa pipe après l’avoir
placée dans sa main gauche, celle-ci paraissant inerte, capable seulement de
tenir un objet, impuissante à s’en saisir.
    — Raconte-moi, avait-il dit.
    La voix était enrouée et il s’était raclé la
gorge avant d’ajouter :
    — Tout !
    Il s’était mis à fumer, la paume droite posée
sur les pages du dossier.
    Elle avait rapporté les propos du général Karl
von Kleist, analysant ce qu’elle avait perçu de l’évolution du point de vue
nazi.
    Il avait hoché la tête, l’avait interrompue :
    — Allemand ! avait-il corrigé. Allemand.
    — Les Allemands, avait repris Julia, après
avoir avalé l’Autriche, veulent faire de même avec les Sudètes, et ils estiment
que Paris et Londres vont l’accepter. Mussolini sert d’intermédiaire. Plus tard,
quand ils auront démantelé la Tchécoslovaquie, les Allemands se tourneront vers
vous.
    Il avait marmonné, la pipe serrée entre ses
dents, comme s’il méditait l’exposé de Julia.
    Elle avait eu pourtant l’impression qu’elle
parlait dans le vide, qu’il ne l’écoutait pas, qu’il n’ignorait évidemment rien
de ce qu’elle lui disait, mais qu’il lui fallait cependant faire ce rapport
même si l’un et l’autre savaient qu’il ne s’agissait que d’un simulacre.
    Et tout à coup il avait ôté la pipe de sa
bouche, l’avait pointée comme une arme sur Julia, et avait dit :
    — Vous vouliez tous me tuer, n’est-ce pas ?
    Le geste était
menaçant et violent, alors que la voix était humble, exprimant étonnement et
douleur, et non pas ressentiment ou colère. Julia avait eu du mal à maîtriser
son émotion, à juguler le désir de nier, de jurer qu’elle n’avait jamais songé
à le tuer.
    Or c’était faux, et elle n’aurait pu le
dissimuler. Alors elle avait seulement baissé la tête, comme un aveu, persuadée
que son sort était déjà scellé, quoi qu’il puisse dire.
    Mais Il voulait encore jouer avec elle. Et, après
plusieurs minutes de silence, Il avait toussoté pour s’éclaircir la voix.
    — Finalement, tu ne m’as rien dit. Parle-moi
de cet Anglais.
    Il s’était penché sur le dossier comme pour y
retrouver le nom d’Arthur Orwett, mais elle n’avait pas été dupe, et, avant qu’il
l’eût prononcé, elle avait dit en redressant la tête :
    — J’ai passé plusieurs jours avec Arthur
Orwett sur les bords de la Baltique.
    Il avait secoué la tête, grogné, mâchonnant à
nouveau sa pipe.
    — Ce journaliste, j’ai lu ce qu’il écrit.
    Il avait haussé les épaules.
    — Du talent, et donc ce qu’il faut d’habileté
et d’hypocrisie. Mais pourquoi ses relations avec ceux qui veulent me tuer, tes
amis, comtesse Garelli, Rosenwald, Munzer, et même ce Sergueï Volkoff, cet
espion ? Tu les connais tous, les comploteurs ! Et toi, tu n’aurais
rien su, rien voulu ? Les femmes ne peuvent ignorer ce qui se passe dans
leur maison, dit le proverbe géorgien, et, dans une autre variante, on dit : « Les femmes ne peuvent ignorer ce qui se
passe dans leur lit ! »
    Il avait souri, dévoilant ses dents noircies.
    — Et toi moins qu’aucune autre : tu
as l’esprit aigu.
    Il avait

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