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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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déraisonnablement ou non, Gratot et sa mesnie en péril. Si ses craintes se justifiaient, il serait châtié pour son péché d’adultère.
    Il ne savait comment annoncer sa décision à Tancrède. En quels termes ? À quel moment ? Il attendrait aussi, pour avertir Paindorge, une occasion propice. Il soupçonnait son écuyer de s’éloigner de Rechignac et de Perrine avec l’aisance d’une conscience nettoyée de tout regret.
    Quitter Tancrède constituait un acte d’une rudesse extrême. Une vilenie. À l’idée de l’accomplir, une sorte de tourment lui nouait les entrailles. Il le fallait pourtant. C’était l’hiver. Ce seraient en chemin les tombées de neige et le froid. Eh bien, Paindorge et lui vaincraient avec plus d’aisance que les Goddons et les routiers ces ennemis intangibles. Ils souffriraient en leur corps. Méritée ou non, ce serait la punition de deux abandons différents mais pareillement inévitables.
    « Est-ce Dieu qui m’enjoint ce retour à Gratot ? »
    Non. C’était tout bonnement sa conscience. Il ne pouvait prolonger sa présence auprès d’une femme dont il risquait de devenir la proie ou le repentir vivant à plus ou moins brève échéance. Il procéderait à leur séparation avec une hâte indigne, mais nécessaire. « Un couard ! Je me conduirai comme un couard ! » Une fois franchi le pont-levis, une fois expiré le premier soupir d’aise, il ne se retournerait pas pour renoncer à la tentation de tourner bride. Car il savait qu’il lui faudrait étouffer dans son cœur et dans sa tête ces velléités de renoncement.
    Il rejoignit son écuyer aux écuries. Paindorge y bouchonnait Malaquin.
    – Laisse-le-moi, Robert. Occupe-toi de ton cheval. Il faudra que tu lui trouves un nom.
    – Perrine l’a appelé Flori.
    Cette nicette avait-elle ouï parler de Girbert de Metz  ?… Allons, du moment que Paindorge avait accepté ce baptême, il était définitif.
    Tout en frottant l’encolure de Malaquin, Tristan se dit que l’attente du départ l’emplirait d’un mésaise et d’un accablement dont il ne pouvait prédire la durée. Il redoutait que cette mélancolie ou ce remords ne le quittât plus. Il était sûr qu’un événement surviendrait – une querelle avec Tancrède : la première – qui hâterait la consommation de la rupture, le laissant tout entier à ses responsabilités. Il ne comptait pas sur un hasard grossier pour le déclenchement de ce départ. Il était prêt à en assumer tous les torts.
    – Pourrais-tu, Robert, cheminer dans la neige et le gel si je te disais maintenant : «  On part  » ? Réponds-moi sans ambages.
    – Si vous me dites «  On part  », nous partons avant ce midi. Mais aurez-vous cette audace ?… Nous avons des chevaux solides et vaillants. Chaque jour perdu céans me semble un manquement aux lois de l’amitié qui me lie à ceux de Gratot.
    Paindorge ne tenait guère à en dire davantage. L’adultère dont Luciane était à son insu l’infortunée victime ne le concernait point.
    – Et Perrine ?
    – Elle ne m’aime pas comme il faudrait. Ce qu’elle aime, c’est que je la fornique. Elle ne versera pas une larme, tandis que l’autre…
    Tristan se remit à bouchonner Malaquin. Paindorge l’observait en silence avec une sorte de pitié. L’écuyer l’avait vu s’abandonner au courant de l’aventure ; il avait découvert l’impunité de son âme livrée aux égarements renouvelés de la volupté. Il se sentit jugé et absous.
    – Vous voulez désormais partir ? Je vous dis : « C’est bien. » Ni sa beauté ni sa passion ne sauraient vous retenir… C’est le commencement de la sagesse. C’est aussi la preuve que vous l’aimez moins que vous ne l’aviez cru. Vous n’êtes pas fait pour ce genre de vie, de femme. Un jour serait venu où la différence d’âge aurait fait de votre existence commune un enfer. Et je vous dis…
    Tristan se tourna vers le seuil de l’écurie : quelqu’un courait au-dehors. Les sabots clapotaient sur le sol dur.
    – Perrine, dit Paindorge, simplement.
    La jeune femme apparut, tout hurlupée par le vent, tout essoufflée par la course :
    – Messire Tristan ! Messire !… Il vous faut venir. Notre dame est très mal !
    Paindorge eut un sourire de biais.
    – Une astuce pour vous retenir, maugréa-t-il.
    Non, méchant ! s’écria Perrine. Non ! pour l’amour de Dieu… Je crois qu’elle dévie (398) .
    Les yeux de la servante,

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