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Le piège

Le piège

Titel: Le piège Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuel Bove
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une
remarque ? Il n’a pas trouvé bizarre que je ne sois pas venu ?
    — Non. Il a simplement dit que c’était
regrettable.
    — Ah, il a dit que c’était
regrettable, dit Bridet avec inquiétude.
    — Nous avons tout de suite parlé d’autre
chose.
    — Mais qu’est-ce qu’ils me voulaient ?
De quoi avez-vous parlé ?
    — Il m’a demandé où tu étais, quand je
te reverrais. Je lui ai dit que nous avions rendez-vous ce soir.
    — Tu le lui as dit ?
    — Naturellement. Il n’y a rien de plus
maladroit que de ne dire la vérité qu’à moitié. Ou on ment, ou on dit la
vérité. Ils ne nous laisseront tranquilles que si nous agissons franchement
avec eux. Je n’avais donc aucune raison de leur cacher que nous étions décidés
à rentrer à Paris et à reprendre une vie normale.
    — Tu leur as dit que nous allions à
Paris ?
    — Oui, parfaitement, dans ton intérêt.
Outhenin m’a approuvée. Il a trouvé que c’était ce qu’il y avait de mieux à
faire. Cependant, il aurait été préférable que tu viennes avec moi.
    — Pourquoi ?
    — Pour dire toi-même toutes ces
choses. C’eût été plus sérieux. Ils ont eu beau être très gentils, j’ai bien
senti qu’au fond ils étaient un peu froissés.
    — À quoi ?
    — À rien. Je l’ai senti. Qu’est-ce que
tu veux, ça fait toujours mauvais effet qu’un homme envoie sa femme à sa place.
    — Je ne t’ai pas envoyée. Au
contraire, je ne voulais pas que tu y ailles.
    — Tu sais bien que ce n’était pas
possible. Ce sont eux qui sont les maîtres, qui ont le pouvoir. On ne sait pas
combien de temps va durer cette histoire. Elle peut durer dix ans.
    — Tu n’as pas parlé de l’Angleterre,
au moins ?
    — Il n’y avait pas de raison.
    — Tu en as parlé, je parie ?
    — Tu es fou.
    Bridet réfléchit un instant. Certainement
Yolande n’avait pas parlé de l’Angleterre. Il avait cependant l’impression qu’elle
était beaucoup plus sous la coupe de ces gens qu’elle ne le disait, qu’entre
elle et eux circulait une image de lui assez bizarre. Il était un « faible ».
On ne lui ferait aucun mal. Mieux même, on l’empêcherait de s’en faire à
lui-même en rejoignant, par exemple, le général de Gaulle.
    Changeant brusquement de ton, Bridet dit :
    — Enfin, tout cela est fini, n’en
parlons plus. J’ai fait du bon travail cet après-midi. Demain matin, à sept
heures, nous prenons la camionnette du laitier jusqu’à la ligne de démarcation.
Quand on l’aura passée et qu’on se trouvera avec les Boches, eh bien, c’est
triste à dire, on respirera.
    Yolande parut étonnée.
    — Qu’est-ce que tu veux dire ?
    — Nous allons passer la ligne de
démarcation à Verdun-sur-le-Doubs.
    — Il faut d’abord demander ton
ausweiss.
    Bridet se mit à crier :
    — Ein Ausweiss ! Tu ne m’as pas
regardé. Tu ne m’as pas regardé. Tu crois que je vais aller demander un ausweiss ?
Ah ! ça non, alors. J’aime mieux rester ici.
    — Mais mon chéri, la Kommandantur te
le donnera tout de suite.
    — Je m’en f... de la Kommandantur.
Nous n’avons qu’à passer comme cela. Ni vu ni connu. Moi, tu comprends, je ne
veux plus avoir affaire ni aux Boches ni à Vichy. J’en ai assez.
    — Bien, dit Yolande en se résignant
par diplomatie.
    Mais peu après, elle ajouta qu’elle ne
voulait pas courir le risque de trois semaines de prison, d’être refoulée, mal
notée.
    — Tu veux donc aller voir les Boches,
aller pleurer pour un ausweiss ? demanda Bridet.
    Elle répondit qu’il exagérait toujours, qu’il
allait finir, avec cet esprit, par avoir des ennuis. Elle l’avait déjà, elle,
son ausweiss. La Kommandantur n’avait fait aucune difficulté. Il n’avait qu’à
faire comme elle. Elle raconta même une histoire d’ascenseur du Carlton. Elle s’y
était trouvée avec un haut-gradé boche qui, immédiatement, s’était découvert et
qui, bien qu’allant au deuxième et elle au troisième, était monté avec elle jusqu’au
troisième. Il lui avait ouvert les deux portes de l’ascenseur, il l’avait
saluée, puis il était descendu à pied du troisième au deuxième. « Tu me
diras ce que tu voudras, ce n’est pas un officier français qui agirait ainsi
avec une femme qu’il ne connaît pas. »
    — Heureusement ! Les Français ne
sont ni ridicules ni obséquieux. Quant à moi, ma chère Yolande, j’aime mieux
risquer de me faire arrêter à la ligne de

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