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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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toujours connu des idées étranges. Je ne te comprends pas. Je reviens décidé à t’épouser, à t’offrir cette vie à deux que tu rêvais…
    – Impossible ! Impossible ! » dit-elle en tordant ses mains.
    Sandrigo s’assit tranquillement.
    « Or çà, dit-il, puisque tu ne veux pas entendre parler d’amour, parlons d’autre chose. Comment se fait-il que je te retrouve ici après t’avoir vainement cherchée à Venise ? Tu étais pauvre ; je te vois dans une maison bien installée. En quelle qualité ?… »
    Juana se taisait, palpitante.
    « Oh ! je comprends, s’écria tout à coup le bandit, voilà donc pourquoi tu n’es plus digne de moi !… Tu es ici chez ton amant ! »
    Juana eut un douloureux tressaillement. Elle commença un geste de protestation violente. Elle voulut crier :
    « Non, Sandrigo, je n’ai pas d’amant, et je n’aime que toi ! »
    Mais les paroles ne jaillirent pas de ses lèvres.
    La singulière attitude de Sandrigo, son sourire, l’étrange regard qu’il lui jetait lui furent une soudaine révélation. Elle eut conscience que les êtres commis à sa garde couraient un mortel danger.
    « Ose donc dire que ce n’est pas vrai ! » ricana le bandit.
    Et Juana répondit avec un accent de morne désespoir :
    « Eh bien, oui, c’est vrai ! J’ai un amant. Je suis ici chez lui. Il est absent. Il va revenir. S’il te voit ici, je suis perdue, et toi aussi. »

    *
    * *

    Un soir d’hiver, dans le pauvre logis du port de Venise, comme Juana raccommodait quelques hardes de Scalabrino et que celui-ci s’occupait à nettoyer un pistolet, on heurta d’une certaine façon à la porte.
    « C’est un ami », dit Scalabrino.
    Il ouvrit. Un jeune homme d’une belle prestance, d’une mâle beauté entra.
    « Sandrigo ! s’exclama Scalabrino. Que se passe-t-il ?
    – Pas grand-chose, sinon que j’ai été serré d’un peu près.
    – Entre, frère. Juana, vois si tu peux donner à manger à Sandrigo. »
    Juana s’empressa. Sandrigo but, mangea, se roula dans une couverture, et fatigué, s’endormit bientôt. Lorsque la petite Juana se retira dans le taudis qu’elle habitait sur le même palier, elle jeta un dernier regard sur Sandrigo endormi.
    Cette nuit-là, pour la première fois, la jeune fille dormit mal.
    Sandrigo demeura huit jours dans la maison. Il passait ses soirées à raconter ses prouesses, et Juana admira sa hardiesse et sa bravoure comme elle avait admiré sa force et sa beauté.
    La veille de son départ, Sandrigo et Juana se trouvèrent seuls, Scalabrino étant sorti. Le bandit parlait comme à son habitude de ses courses dans la montagne.
    Il s’interrompit tout à coup pour s’écrier :
    « Sais-tu que tu es jolie ?… »
    Juana baissa la tête. C’était une petite sauvageonne qui ne savait rien. Elle rougit beaucoup ; puis elle pâlit lorsque Sandrigo lui prit la main et lui dit en souriant :
    « Veux-tu être ma femme ? Je t’emmènerai dans la montagne, tu vivras parmi les fleurs sauvages, parmi les myrtes et les lentisques qui sentent si bon. »
    Alors elle le regarda dans les yeux et répondit :
    « Je veux bien être ta femme ; car je ne connais personne de plus beau que toi. Allons donc trouver un prêtre qui nous unira, et je te suivrai partout où tu iras… »
    Sandrigo voulut serrer la jeune fille dans ses bras. Mais elle se dégagea et courut s’enfermer dans son logis.
    Le lendemain, Sandrigo partit. Mais Juana avait produit sur lui une forte impression, car il revint souvent. A chacun de ses voyages, il devenait plus pressant, plus entreprenant. Mais Juana secouait la tête, lui échappait toujours et répétait :
    « Je te suivrai, fidèle et soumise, lorsque nous serons unis. »
    Puis survinrent les événements que nous avons racontés. Sandrigo disparut après l’arrestation de Scalabrino. Peut-être finit-il par oublier Juana. Mais Juana ne l’oublia jamais !…
    Tel fut le roman d’amour de la pauvre Juana.
    Et lorsque, après de longues années, elle revoyait celui qu’elle aimait toujours, quel dut être son désespoir en répondant à Sandrigo :
    « Oui, j’ai un amant !… Et je suis ici chez lui ! »

    *
    * *

    A ces derniers mots, Sandrigo se leva soudain. Sa figure devint menaçante.
    « Juana, gronda-t-il, tu mens. Tu n’as pas d’amant. Tu vis ici avec l’ancien doge de Venise Candiano et la fille de la courtisane Imperia. »
    Juana étouffa une exclamation de

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