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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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passage de l’homme, Tristan sentit vaciller ses certitudes et resurgir en lui le sentiment d’échec injuste, outrancier, mêlé à l’écœurement de ce qu’était sa vie. Or, cet Anglais allait perdre la sienne. Il regarda la fenêtre brillante, juste en face. Derrière les verres glauques, Édouard de Woodstock profitait peut-être encore de l’essentiel plaisir de l’existence. À moins que, pour ce prince sanguinaire, occire ne fut une délectation suprême, comme pour Callœt.
    Une ombre apparut bientôt. Le Breton portait sur son dos un fardeau méconnaissable à distance mais qui était l’Anglais. Il le jeta au sol d’un tour de reins.
    – Droit au cœur, les gars.
    – Défions-nous que les autres ne viennent quand ils ne verront pas revenir leur compain.
    – Voulez-vous, pour qu’ils accourent, que j’aille titiller un cheval ?
    Tristan n’osa demander : « Qu’as-tu fait à celui qui s’est tu ? » De la tête il refusa au Breton toute espèce d’action malavisée. D’ailleurs, une ombre apparaissait en provenance des tours portières.
    – Encore un, dit-il.
    Une vague de tristesse s’éleva en lui : affronter un adversaire et l’occire, oui. Le meurtrir par traîtrise, non. Mais il fallait, en l’occurrence, dans ce manoir empli d’ombres et de périls, trigauder 207 l’ennemi afin d’en triompher.
    Il tremblait et sentait sa sueur mêlée de suie gluer sur ses joues et son front tandis que ses yeux, à force de guetter l’apparition de la prochaine victime, brûlaient et picotaient ses paupières. Un étau de glace enfermait ses poumons et serrait, serrait… Cette défaillance ne laissait pas de lui coûter ; il en souffrait de male honte au tréfonds de son être et en eût ressenti du remords s’il avait été capable d’éprouver autre chose que le désir d’achever vitement cette incursion qu’il trouvait désormais absurde.
    Il vit la dextre de Callœt fondre sur son poignard comme le gerfaut sur la grive. L’Anglais tomba à la renverse. Déjà le Breton, un pied sur le corps étendu, en extrayait sa lame. La victime remua, en exhalant un gémissement. La pointe ou le tranchant pénétra dans sa gorge, et ce fut Callœt qui eut un soubresaut.
    – On dégage le seuil de ce maudit manoir, dit-il en rejoignant ses compères.
    Il essuyait sa lame sur la cuisse. Peut-être était-ce ainsi qu’il l’aiguisait.
    – Morsang, Beltrame, allez me tirer par les pieds la dépouille de ce malheureux et allongez-la quelque part où nul ne la verra.
    – Vous avez vu, messire ? Avec Guesclin, j’ai été à bonne école.
    – On a vu, dit Buzet, pour Tristan. Dans toute cette noirceur, on a vu… Cesse de te paonner ou Dieu va nous maudire.
    Dans l’esprit simple du garçon de plus en plus chargé de doutes et d’angoisses à mesure que les événements s’ensuivaient, des nuées effrayantes se déployaient, sans doute pareilles aux grandes bannières du ciel nocturne, semées de signes et de lueurs prophétiques maintenant que la lune y resplendissait et que çà et là clignotait une étoile.
    – Il m’en reste un, dit Callœt… On y va, compères… Suivez-moi… Messire, on se retrouve quand on peut, où on peut…
    Buzet suivit à regret le Breton, puis Raffestin et Sampanier. Ceux qui devaient maîtriser le beffroi – Gueguen, Triphon et Pagès – traversèrent la cour en silence.
    – Pourvu que…
    – Que quoi  ? interrogea Paindorge.
    – Que le Woodstock soit présent… et qu’il loge en ces murs où nous allons entrer… Vous autres, dénudez vos armes et suivez-nous.
    Morsang, Beltrame et Paindorge traversèrent la cour en courant et s’arrêtèrent avant d’avoir atteint la maison.
    – Avez-vous ouï ce cri, messire ?
    – Le troisième vegille, Beltrame. Ils vont nous préparer la retraite…
    *
    La porte renforcée de pentures dont les volutes scintillaient, inspira un frisson d’angoisse à Tristan. Si par malheur elle était verrouillée, il faudrait entrer par une fenêtre. Tumulte et temps perdu, serviteurs alarmés qu’il faudrait peut-être occire.
    – Je tremble, avoua-t-il.
    Sa sueur semblait se hérisser d’aiguilles glacées. Un brouillard enfumait sa vue : c’était tout simplement son haleine ; la nuit en son mitan échangeait sa fraîcheur contre de la froidure. Il haletait d’une façon bruyante, déplaisante, à la façon d’un chien approchant du gibier.
    Le pêne quitta la gâche et la porte

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