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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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remue… Défie-toi des moindres bruits et lueurs tout autant que des bruits et des ombres que tu peux faire… Vous autres, tous, accotez-vous aux merlons et taisez-vous !… Viens, Callœt, allons voir à l’autre bout. Le chemin de ronde contourne cette tour portière. Une petite courtine la réunit à sa voisine.
    La déception de Tristan fut pire que celle de Callœt quand, parvenus au milieu de la courtine, ils se penchèrent pour reconnaître les lieux. Au pied d’une tour, en dessous d’eux, trois hommes d’armes étaient assis sur un banc, immobiles. Leur nuque et leurs épaules touchaient le mur, leur torse penchait obliquement en arrière, et leurs jambes allongées reposaient sur une grosse poutre. Ils avaient conservé leur épée au côté.
    Une cotte armoriée couvrait en partie leur jaseran de mailles. Leurs chapelets de fer ronds et plats, posés à l’envers sur une caisse, ressemblaient, vus d’en haut, à des écuelles disposées pour un repas. Les mains sur le ventre, ils semblaient repus et assoupis.
    – Sans doute, dit Tristan, y en a-t-il d’autres à l’intérieur.
    – Pas de chiens, à ce qu’il semble.
    – Il doit bien y avoir deux ou trois serviteurs, ne serait-ce que pour apprêter la mangeaille.
    – À moins, si nos deux amants ne sont là que depuis la vesprée, qu’ils n’aient mangé dans une hôtellerie…
    Comme au pied de la muraille si péniblement vaincue, Tristan se sentait petit, indécis, mais résolu à vaincre ses atermoiements. Callœt eut un sourire de biais exprimant peut-être une espèce de gourmandise :
    – La Jeanne de Kent est si chaude qu’on pourrait cuire, dit-on, un repas tout entier sur son cul !
    – Repas froid, repas chaud, une chose me satisfait : pas de chien. Elle doit aimer la tranquillité et détester les puces. Et si Woodstock et elle ont quelques serviteurs, ce sont ceux de Cobham. Ils ne sont pas nombreux, je suppose, et même s’ils le sont, il nous faudra les maîtriser dans leur lit.
    – Cela me plaît !
    Quelque chose craqua en bas. Les pieds d’un gardien venaient de glisser de la poutre. Il se leva, bâilla d’une façon bruyante, provoquant deux autres bâillements et se rassit. L’épaisseur du silence revenu incommoda Tristan. C’était comme une poix qui lui collait aux oreilles.
    – Il va falloir nous séparer en trois. Les uns entreront dans la maison devant nous, les autres dans le beffroi et le reste dans la maison d’à côté.
    – Et ces bâtiments, dessous la grande courtine ?
    – Une écurie, une grange. C’est par là qu’il nous faut descendre.
    – Les toitures nous aideront. Elles ne cliquèteront pas comme lorsqu’on marche sur des tuiles, puisqu’elles sont en chaume… Tiens, voilà votre écuyer !
    Toujours ce changement de voix, ce ressentiment dont l’injuste aigreur envers Paindorge se trouvait dulcifiée par un rire qui, pour Tristan, la rendait plus corrosive encore.
    – Ils s’inquiètent et s’impatientent…
    – Nous allons y aller. Penche-toi.
    Paindorge s’exécuta, vit les trois gardes et dit en se redressant :
    – Va falloir les occire.
    – Pleure pas, dit Callœt.
    – Comment les éloigner de cet endroit et les amener à portée de nos armes ?
    – Le vieux subterfuge, Paindorge : faire naître un bruit… à l’écurie, par exemple. Un cheval hennit, un gars se dérange pour aller voir ce qui se passe. On l’attend derrière la porte.
    – Et zip ! fit Callœt en passant éloquemment son index sur son cou. Et on recommence avec les deux autres.
    Ses prunelles flambaient comme celles d’un tigre.
    – Bien sûr, pour ça, faut avoir les couillons bien accrochés… si même on en a !
    Devant l’insuccès de ses insinuations, le Breton insista encore, sans contrôler cette fois son rire :
    – En as-tu, Paindorge ?
    Cette fois, Tristan empoigna le fâcheux par le col de son pourpoint :
    – Il suffit ! Garde tes provocations pour les Goddons que nous allons affronter ! On verra si ta forcennerie est à la hauteur de tes dires !
    L’incident fut clos. En apparence, du moins, car Paindorge avait feint une indifférence absolue en désaccord avec son ca ractère. Tristan décida de s’abstenir de tout propos favorable à son écuyer. Plus il s’immisçait, pour les en guérir, dans l’inimitié des deux hommes, plus il l’envenimait.
    – Retrouvons les autres… Au passage, détachons cette corde qui pendouille le long du mur

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