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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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seulement au sortir du manoir, monseigneur, que commença notre déconfiture… Le prince Édouard avançait, les mains liées, parmi nous lorsque des soudoyers de Rochester nous ont agressés. J’ai vu périr alors la plupart de mes hommes…
    – Il fallait estoquer ce maudit !
    – Mes Bretons le voulaient, je m’y suis refusé.
    – Ah ! Les Bretons…, soupira Charles avec ravissement. Voilà des guerriers sans égal… Savez-vous que Bertrand Guesclin est Breton ?
    Encore lui  !… Au demeurant, Tristan ne se reconnaissait aucun droit de juger cet homme, mais cela commençait à bien faire. On attribuait audit Breton seul la prise de Fougeray, la délivrance de Rennes assiégée par Lancastre, quelques prises de châtelets occupés par les hommes de Charles de Navarre, notamment celui de Melun. Le prince Charles oubliait que son chevalier parfait avait été capturé deux fois, par Robert Knolles et Hugh Calveley, libéré sur parole mais sans acquitter ses rançons. «  Un routier  », disait de lui feu Jacques de Bourbon. Un routier, sans plus, mais qui avait su s’attirer quelques-unes de ces hautes protections qui composaient les degrés de l’escalier menant à la renommée.
    – Mort, le prince de Galles était sans intérêt, monseigneur… Plus de rançon, plus d’échange, et qui sait si, par vengeance, son père ne débarquerait pas maintenant à Cherbourg ou à Calais pour semer une fois encore la désolation et la mort en Normandie, Picardie, Beauvaisis et jusqu’aux portes de Paris. Vous m’eussiez reproché cette occision si, par… désespoir, je l’avais commise.
    – Je vous l’accorde.
    Le prince Charles se répandit en plaintives récriminations sur « les deux Édouard », et Tristan ne laissa plus échapper un mot. Il avait chaud. Cette journée d’été allait enfanter d’un orage. De grandes bannières noires et blanches comme le défunt baucent (503) commençaient à s’éployer dans le ciel.
    – Une preuve, chevalier !… J’aurais voulu au moins obtenir une preuve !
    Le visage du prince exprimait le tourment d’une humiliation aussi pénible et suppurante qu’une invisible blessure, mais son regard plongé dans celui de Tristan avait l’inexorable dureté d’une lame.
    – Monseigneur, mon écuyer – le seul survivant de cette estourmie 252 – m’attend dans la cour. Je puis l’aller chercher pour que vous l’interrogiez. Son récit ne saurait différer du mien…
    – Évidemment !
    Tristan détesta le sous-entendu de cette exclamation.
    – Un passadoux lui a percé l’épaule.
    – Tiens donc, un passadoux !… Je croyais que les Goddons méprisaient l’arbalète.
    Les traits mous du régent s’étaient durcis sous l’effet d’une suspicion accrue. Un rictus de compassion fit saillir sur ses joues quelques rides supplémentaires :
    – Un passadoux.
    – Des cranequiniers 253 nous ont pourchassés, monseigneur.
    Brièvement, Tristan décrivit la roberie des chevaux et la course jusqu’au rivage, épiant les traits de son auditeur et n’y découvrant qu’une impassibilité des plus figée. « Il croit que tout cela n’est que basses sornettes ! » Cependant, le prince avait repris sa marche.
    – Monseigneur, demandez au roi s’il n’y eut pas quelques centaines d’arbalétriers goddons à Poitiers !
    C’était lui rappeler qu’il avait pris la fuite et que lui, Tristan, l’avait accompagné , sur commandement du roi, avec les sires de Landas et de Voudenay tandis que Saint-Venant 254 pressait ses deux frères, tout aussi affolés que lui. Et monseigneur savait qu’à peine rendu à Chauvigny et s’être assuré qu’il s’y trouvait en sauveté, lui, Castelreng, était reparti batailler en compagnie de Voudenay, Landas et de leurs hommes d’armes à cheval.
    – Halte, chevalier, dit le prince en souriant avec une gaieté feinte. Je n’oserais affirmer qu’il n’existe aucune compagnie d’arbalétriers anglais. Ce qui m’abaubit 255 , c’est que des cranequiniers vous aient tiré dessus la nuit.
    Décidément, il était stupide. C’était perdre son temps que de l’informer congrûment.
    – Quand nous parvînmes au rivage, monseigneur, l’aube crevait… Calletot, s’il le faut, vous le confirmera… Nous avons conservé le carreau et je puis vous le montrer… quoique, entre un passadoux anglais et un passadoux de France, il me paraisse difficile de faire un choix…
    Longtemps, il cacherait cette

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