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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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enfermé du cou aux hanches dans une bande tirée d’un drap et maintenue par des cordelettes, fit une grimace dans laquelle la douleur n’entrait qu’en petite part :
    – Elle tient à vous.
    – Plus qu’il ne le faudrait.
    Ne la trouvez-vous pas à votre convenance ?
    – Es-tu mon écuyer ou mon confesseur ? Pourquoi répondait-il avec autant d’acerbité ? Parce que sans désemparer, depuis leur départ du Crotoy, Paindorge cherchait à diriger son intérêt complètement sur Luciane.
    « S’il la trouve à son goût, qu’il ait l’audace de la mugueter ! »
    Si l’écuyer l’avait eue, cette audace, ne l’eût-il pas trouvée malséante ?
    « D’ailleurs, elle aurait su rompre ses illusions ! » Tristan n’osait passer ses sentiments au crible, sachant bien ce qu’il en subsisterait.
    – Vous n’êtes plus marié, messire, que je sache… Allez au fond de vos pensées. Peut-être décèlerez-vous la présence de ce qu’on nomme…
    Paindorge s’interrompit au passage de quatre bœufs enjugués, tirant une charrette où reposait une seule pierre. Une toise et demie de long, une demie de large. Les jantes écrasaient bruyamment les cailloux et les moyeux, qui manquaient d’axonge 261 , couinaient. Cette pierre-là deviendrait statue. Qui ? Jean II ou Charles-à-la-grosse-main ?
    Quand le fardier fut passé, Paindorge revint à la charge :
    – Êtes-vous pourvu d’une paire d’orbières 262  ? Ne pouvez-vous la voir, là-bas, qui vous regarde ?… Elle ne voit que vous, elle, dans tout ce remuement de gens qui nous entourent et nous observent comme s’ils savaient !
    –  Savaient quoi ?… Qu’elle est amourée de moi ?
    – Non… Ne feignez pas de ne pas comprendre !… On dirait qu’ils ont appris que nous avons échoué à Cobham…
    – C’est vrai, ce que tu dis… J’y ai pensé quand je suis sorti de l’audience de messire Charles… Je lui mets du messire au lieu de monseigneur parce qu’il portera mal la couronne… Il m’a semblé faible, mou… Mais il est vrai qu’on nous regarde.
    Ces hommes et femmes de tous âges et toutes conditions réunis à Vincennes semblaient au fait de leur échec. Illusion, bien sûr. Ce qui excitait leur intérêt, c’étaient moins les éléments de l’armure que la singulière apparence de ceux qui les portaient : l’un, le bras en écharpe, l’autre, bassinet en tête, le buste fervêtu et le reste du corps en habits de manant.
    – Il nous faut quitter ces lieux. Ma présence y est comme usurpée.
    Ce château lui semblait désormais hanté par des gens d’une fréquentation malsaine. Il entrait de la vergogne dans le sentiment qui l’incitait à s’en éloigner. Bien que ce fût déraisonnable, il ne se guérissait point d’un mésaise latent. L’étrange beauté du donjon dont les pierres acquéraient, sous les nuages de plomb, l’aspect du marbre, le captivait toujours, mais il lui découvrait soudain une puissance sourde, presque maléficieuse, qui dépassait celle de sa forme et de ses proportions. Il s’apercevait fortuitement qu’au sortir de l’armerie, alors qu’il sinuait parmi les tâcherons, tous avaient suspendu leurs mouvements, leurs propos, leurs chansons et leurs rires. Il avait senti sur lui comme une détestation tandis que la poussière des mortiers secs, des pierres martelées ou grattées en haut des échafaudages, enfarinait ses vêlements et les plates de son armure. Or, cette poudre était tombée sciemment. On eût dit que tous ces hommes savaient qu’il avait laissé morts, en Angleterre, neuf compains de leur espèce avec lesquels ils avaient potaillé fraternellement.
    « Tu te fais des idées. Cette aversion que tu as sentie, c’est tout simplement celle du commun envers les chevaliers. Celle que Tiercelet te manifesta lorsqu’il fit ta connaissance… Il se peut aussi que tu te sois mépris : l’objet de cette… attention, c’était sans doute Thomas l’Alemant… Nous sommes passés parmi eux sans les voir, et ce dédain, de ma part involontaire, a été d’autant mieux ressenti par eux que Paindorge les saluait et leur souriait. »
    Allons, bon ! Dans quelles méditations oiseuses s’embourbait-il l’esprit ! Il savait que le commun et la plupart des bourgeois détestaient les chevaliers et les nobles. Il y avait eu une Jacquerie ; la France, qui ne s’en remettait pas, n’en provoquerait aucune autre.
    – Alors, messire ?
    Tristan feignit

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