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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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La clarté du dehors qui s’y insinuait dispensait dans cet antre une grisaille qui n’était pas sans rappeler les brumailles de l’aube. Il y avait, dessous, un établi et deux étaux, des outils et rognures de fer en abondance et, tout près, un mannequin de chêne, grandeur humaine qui pouvait s’épaissir ou s’amincir en desserrant ou resserrant les écrous joignant ses compartiments. Tout proche, l’âtre brasillait sous le gros soufflet animé par Guyot, et après avoir suspendu leur besogne, Flourens et Yvain, assis sur des bancs à traire, se remettaient à gironner, appuyés sur des billots de bois, l’un une genouillère, l’autre une cubitière. Dans cette caverne à laquelle on accédait par trois marches coincées entre deux rampes de fer forgé aux lis de France, la lueur pourpre du foyer donnait des couleurs au visage livide de Luciane.
    – Une amie pour le moment, sans doute, messire !… Il se trouve que j’ai une fille de l’âge de votre compagne. Elle a une grande chambre où l’on peut mettre un second lit. Si cela vous agrée, damoiselle, je peux vous faire chercher Constance…
    – Combien de temps resterons-nous ?
    Tristan considéra Luciane de bas en haut, ému qu’elle ne fût vêtue que d’une mauvaise robe de futaine grise qu’elle rehaussait de sa beauté, et les pieds nus dans des sandales. C’était tout ce qu’il avait pu lui offrir au Crotoy au lieu des parures qu’elle méritait.
    – Je ne sais, m’amie, combien de jours nous resterons, mais il me paraît sage et… avantageux d’accepter l’offre de messire Goussot.
    – Vous pourrez prendre vos repas avec nous.
    – Celui du soir, décida Tristan. Dans la journée, nous aurons à nous occuper.
    Il sentit un regard sur lui. C’était celui de Paindorge. « À quoi ? » s’interrogeait l’écuyer. Luciane, elle aussi, semblait inquiète.
    Il ne pouvait présentement leur répondre. Bien qu’il ne portât pas son armure – elle gisait, en pièces, à ses pieds –, il lui semblait qu’il en subissait le fardeau, et il n’eût pas respiré plus mal si sa tête avait été enfermée dans le bassinet. Les yeux de maître Goussot erraient de lui à Luciane, puis à Paindorge, et peut-être se demandait-il quels sentiments étranges les assemblaient tous trois…
    – Voulez-vous me suivre, damoiselle ?… Je vais vous présenter Constance.
    – Nous vous attendrons dans la cour, dit Tristan.
    Ils quittèrent l’atelier par un petit huis pourvu de nombreuses serrures : le coût des harnois de fer forgés là en justifiait la précaution. Dehors, Daniel Goussot entraîna Luciane, qui ne se retourna pas, comme Tristan s’y attendait.
    – Alors ? demanda l’écuyer lorsqu’ils furent seuls entre les murs extérieurs du logis de l’armurier, l’écurie et la grange où le fèvre 273 plaçait son fer et son fourrage. Qu’avez-vous en tête ?
    – Envie de revenir dans mon pays.
    – Luciane n’est donc pas à votre convenance ?… Elle, au moins, elle existe. L’autre , vous ne savez où la trouver !
    – Si tu l’avais connue, tu me conseillerais autrement.
    – Vous oubliez qu’Oriabel vous sait marié à dame de Montaigny !… Croyez-moi, messire, Lucia est présente ; l’autre a renoncé à vous.
    C’eût été d’un bel orgueil de répondre : « Elle renonce pas : elle m’espère. » Cependant l’avis de Paindorge ne manquait ni d’effronterie ni de pertinence.
    – Tu as certainement raison, mais tu n’es pas à ma place.
    Non, vraiment, il ne pouvait pour le moment, quelle que fût l’attirance qu’elle exerçait sur lui, enchaîner la destinée de Luciane à la sienne. Profiter sans vergogne de cet amour juvénile, c’eût été le profaner.
    – Tu voudrais nous voir unis.
    – Vous formeriez un beau couple… Et vous ne pouvez agir vilainement en l’abandonnant à Paris… Si vous y êtes sain et sauf tout comme moi, c’est grâce à elle.
    – S’il est vraiment un événement que je n’oublierai plus, un bienfait auquel je songe aussi souvent que toi, peut-être même davantage, c’est la grosse part qu’elle prit dans notre sauvement. Je lui dois la vie, je lui dois une reconnaissance éternelle, mais il n’est pas nécessaire que je lui doive l’amour.
    – Vous vous devez, messire, de l’emmener à Gratot !
    – Et si nous n’y trouvons que du vide ? Si son oncle, son père n’y sont jamais revenus ?
    – Alors, vous

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