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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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suppurantes plaies. Au fer rouge afin d’assainir l’esprit de cet homme et le guérir de tout esprit de pénitence.
    – Et ton chien, père… Dis-moi.
    Elle le tutoyait enfin tout en lui frottant nerveusement l’échine, tandis qu’il se mouchait du pouce et de l’index, sans façons et sans vergogne.
    – Thierry t’a aussi parlé de Saladin !
    – Et Guillemette… Et Raymond.
    Ogier soupira, sa détresse vaincue pour un temps :
    – Lui, c’est à Rechignac et c’est sa faute… C’était l’été. Il a voulu courir un lièvre. Une vipère l’a mordu au ventre… Impossible de le soigner. J’ai sucé le sang, mais il était trop tard… Il n’a point trop souffert…
    – Allons, intervint Thierry, bourru mais attentif à l’humeur qui assombrissait le visage cireux, nous aurons tout le temps qu’il faudra pour échanger nos dires lorsque nous serons à Gratot… Tristan, tiens l’étrier du sommier à Luciane afin que son père enfourche son arzel.
    Elle acquiesça, essayant d’interpréter, elle aussi, la taciturnité de ce visage et le redressement de ces épaules trop longtemps voûtées dans les œuvres rustiques et les prières.
    – C’est à toi pleinement, ma fille, ce cheval ?
    – Oui, père… Un don de Tristan.
    Luciane se contraignait à n’en pas dire davantage, épiant cet homme non plus esseulé, mais encore isolé, et qui réapprenait les choses d’autrefois.
    – Quand j’allais à Gratot, je prenais une mule… Ce cheval me semble d’un ardent caractère et, ma foi, il est beau. Il me rappelle un peu mon défunt compagnon…
    Ogier tournait autour du roncin, touchant les naseaux frémissants, flattant d’une main légère le poitrail ample et fort où glissaient des frissons.
    – Comment s’appelle-t-il ?
    – Marchegai.
    Tristan vit Ogier d’Argouges lutter contre une angoisse morne dont il se délivra d’un mouvement d’épaule. Il appuya son front sur l’encolure du cheval.
    Quand il l’en sépara, elle était brillante et moite.
    *
    Ils parcoururent deux cents toises. Paindorge, qui chevauchait à l’avant, se laissa soudain dépasser.
    – Allez quiètement sans moi. Tachebrun se met à clopiner… Un fer qui se décloue, sans doute… Je connais le chemin et vous rattraperai.
    – Soit, dit Thierry, Garde-toi bien.
    Tristan devança Luciane et les deux hommes. Il se sentait de trop. La pucelle le comprit-elle ? Comme il fermait un moment les yeux pour les soustraire aux feux du ciel, il la sentit soudain proche mais n’osa le vérifier.
    – C’était si simple, dit-elle, que je sens dans cette réussite la volonté de Dieu.
    Il se tourna mais ne la vit qu’incomplètement. Sentant la nécessité d’un compliment, il révéla, sincère, et sans hausser le ton :
    – Vous étiez belle en robe de nuit, ce matin.
    – Ah ! Ah ! messire… Je vous ai plaisié 345  ?
    Il ne répondit point, sachant que son silence équivalait à un aveu.
    Çà et là, entre des friches, on avait fauché les blés. Certains loudiers 346 se hâtaient de lier les javelles et d’empiler les gerbes sur une charrette. Les bœufs attendaient, résignés, d’emmener leur charge jusqu’à une ferme dont on apercevait le toit d’ardoise.
    – Voyez cet homme, là… et cet autre… Et ce jouvenceau, plus loin : ils ont des arcs et des carquois pleins…
    Sur l’aire de Roncey, dans la poussière d’or, les batteurs à grands coups de fléau frappaient la jonchée ; lumineuse tandis que d’autres ensachaient le grain.
    – On ne sent point la guerre ici, dit Luciane.
    – Certes… Mais ce soir, demain, les Navarrais, les Goddons, voire les deux ensemble, peuvent accourir et rober ou arser 347 cette maigre moisson.
    – Il faudrait apprendre aux femmes à se battre aux côtés des hommes.
    – Vous parlez comme cette Tancrède dont Thierry m’a entretenu.
    – Cela vous contrarie ?
    – Non.
    – J’aurais aimé la connaître.
    À Ouville, une grande fille couronnée d’épis versait à boire aux batteurs tandis qu’un vieux, à l’écart, plongeait ses mains dans un sac pour en extraire ces froments si longs à venir et qu’il avait semés, sarclés, fauchés, égrenés toute sa vie.
    – On doit battre le blé à Castelreng… Si mon père vit encore, il a troqué le fléau d’armes contre le fléau de paix.
    – Il se commet avec ses meschins et meschines ?
    – Oui.
    – Votre père me plaît… J’aimerais le

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