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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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connaître.
    Tristan cherchait une réponse à cette réplique ambiguë lorsque Coutances apparut derrière ses haies de groseilliers, ses murs d’enceinte rosâtres et ses maisons grises serrées autour de la cathédrale.
    – On traverse ou contourne, Ogier ?
    – Contourne, Thierry.
    Tristan, qui s’était laissé rejoindre, devina les regards de Thierry et de son parent posés sur Luciane, la croupe de Luciane, sans doute.
    – L’aime-t-elle ? entendit-il.
    – Je le crois.
    – Et lui ?
    – Ne te l’ai-je pas dit ?… Il conserve en son cœur la mémoire d’une autre.
    – Crois-tu qu’il s’en guérira ?
    Une sorte d’espérance – mais de quelle espèce ? – dut pénétrer Ogier de sa force subtile, et Tristan, qui se détournait, le vit sourire.
    – D’une certaine façon, j’aime mieux cela, Thierry. Avant qu’il ne se décide, il me la laissera un peu.
    Les doigts de Luciane glissèrent, lents et légers, sur l’encolure du sommier.
    – Avez-vous ouï leurs dires ?
    – Oui, dit Tristan, simplement.
    *
    Ils atteignirent Gratot à la vesprée. Le vent commençait à souffler. De vagues formes surhumaines hantaient un ciel d’acier amati par une brume venue de la mer.
    – Il faisait si beau, se plaignit Luciane.
    Tristan la vit frissonner.
    La jetée fut franchie et le pont abaissé. Ce fut la cour que les volailles désertaient ; ce furent Guillemette et Raymond empressés, des cris de joie, de longues embrassades et Ogier soudain morne imprévisiblement.
    – Holà ! que t’arrive-t-il ? s’inquiéta Thierry.
    Ogier tapota la cuisse de Marchegai :
    – Une remembrance cruelle… Les flagellants lors de l’hiver 48… Ils ont occis tous ceux que nous aimions. Un soir où j’étais revenu, ils m’ont pris… Tu ne peux imaginer combien ils étaient affreux… Des affamés de la mort…
    – Raymond m’a raconté… Vous avez fait justice.
    – Les femmes m’auraient dépecé de leurs griffes et de leurs crocs…
    – Je connais cette engeance, dit Tristan.
    Thierry regardait le visage de son beau-frère avec tant d’intensité qu’il y cherchait peut-être des marques d’épouvante. Les rafales plaintives semblaient chargées d’horreur. Luciane, les cheveux rebroussés sur le front et les joues, s’approcha de son père et passa une main sous son bras :
    – Il te faut oublier… Renaître.
    Elle semblait pleine d’attentions, d’espoirs vagues. Sa bouche contractée révélait un émoi péniblement maîtrisé. Tristan se sentit pénétré par l’enchantement de cet accord d’où la pitié était exclue. Luciane lui inspirait présentement un besoin de tendresse, de paroles doucereuses, et son père l’envie de bourrades hardies accompagnées d’encouragements brefs comme : il sied entre hommes d’armes. Il ne savait que dire et à quoi s’employer tandis que Guillemette et Thierry discutaient du repas qu’il fallait apprêter.
    – Messire Tristan, dit Raymond, je ne pensais pas qu’il reviendrait si promptement. C’est un miracle.
    – Un miracle au nom de fille… Quant à messire d’Argouges, disons qu’il entre en convalescence.
    – Et Paindorge ? L’avez-vous perdu en chemin ?
    – Non… Il va venir.
    – La nuit est sur nous… Il serait bon qu’il arrive.
    Et Raymond partit s’occuper des chevaux tandis que Thierry s’avançait vers le logis seigneurial, rejoint par Luciane et son père qui semblait avoir recouvré son aplomb.
    – Je n’ai rien oublié de cette affreuse guerre. Où en est-on ?
    – Une trêve précaire, Ogier. Le petit Charles de Navarre attise toujours le feu… Le royaume est la proie de tous les appétits, mais le dauphin Charles me paraît plus astucieux que son père. Certains le prétendent perfide…
    – Souvent, dans la paix des moines, je me suis demandé si j’avais été clairvoyant et équitable dans ma vision des choses.
    – Sans doute. Rien n’a changé. Nos maréchaux sont toujours outrecuidants.
    – Notre pays connaîtra d’autres misères.
    – As-tu ouï parler de Brignais ?
    – Certes.
    – Castelreng y était. Il te racontera.
    Luciane poussa l’huis du grand logis et tout de suite après :
    – Assieds-toi, père, près de la cheminée.
    Elle montrait au revenant la cathèdre ouvragée sur le dossier de laquelle s’affrontaient les lions des Argouges.
    – C’est un des rares meubles que les écorcheurs dont je vous ai parlé ont respecté.
    Thierry

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