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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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celle qui existait quelque part, dans l’ombre de Tiercelet, son protecteur.
    – Je décèle en toi, Luciane, une force, une impétuosité que ta mère n’avait point.
    Une force, songea Tristan qui, plutôt que de nuire à sa féminité, à sa charnalité, en constituait l’ornement. Elle baisa vivement son père sur la joue :
    – Tu me raconteras comment tu m’as cherchée.
    Ogier posa sa cuiller emplie de soupe dans son écuelle :
    – Thierry a besoin de savoir. Aussi serais-je bref… Je t’ai cherchée de la fin décembre 48 à la fin mars 49… Puis je suis parti pour Rechignac, en Pierregord où Thierry est né… Ceux qui l’avaient connu ne l’avaient point vu. D’ailleurs la morille aussi était passée par là… J’aurais pu revenir à Paris, obtenir du roi une mission, un commandement…
    – Tancrède n’était pas passée par Rechignac ?
    – Elle y était venue. Elle en était partie.
    – Et Anne, ma cousine ? demanda Thierry.
    Ogier ferma les yeux, dérobant leur éclat au regard de sa fille. Tristan eût juré que cette Anne incarnait un secret entre les deux hommes.
    – Morte… La morille, toujours.
    – Elle était enceinte quand nous sommes partis, voilà dix-sept ans déjà.
    – Un fils lui est né, puis un autre, de ce rustique avec lequel elle vivait…
    « Donc, le premier n’était pas du rustique », se dit Tristan.
    Il flairait un mystère dont il n’avait cure.
    – Après ? demanda Luciane.
    – La Bretagne… J’y suis allé trois fois. Je me disais que Thierry me sachant apparenté aux Tinténiac avait ou, auprès d’eux, se recommander de mon père…
    – Qu’as-tu trouvé en Bretagne ?
    – Une guerre d’embûches dont la férocité de Guesclin est entièrement responsable… Jean de Tinténiac nous a bonnement reçus, Marchegai, Saladin et moi. La troisième fois, je l’ai trouvé alité alors qu’il aurait dû être en possession de toutes ses forces : son ami, Beaumanoir avait défié un capitaine goddon… Un combat de trente hommes et de deux chefs… Près de Josselin (527)
    –  J’en ai ouï parler, dirent ensemble Thierry et Paindorge.
    – Moi également, dit Tristan.
    Ogier avala une dernière goulée de soupe et, posant sa cuiller :
    – Jean et moi étions de la même charnure.
    – Vous avez passé son harnois ?
    – Certes… Quand j’en fus revêtu au chêne de Mi- V oie où nous devions attendre les Goddons, j’eus un étonnement et faillis renoncer…
    – Poursuis, père !… Ne t’interromps point. Les Anglais ne se sont jamais entretenus devant moi de cette bataille.
    Ogier considéra le visage tendu vers le sien pour une supplication sans doute excessive, mais dont il était touché. Jamais sans doute, songea Tristan, son épouse ne s’était aussi avidement informée des événements glorieux ou piteux qui avaient composé sa vie de chevalier en guerre.
    – Calveley était là, dominant ses compères d’au moins deux têtes. Je lui avais sauvé la vie ; il m’avait accueilli à Bunbury, son châtelet, juste après les grandes joutes d’Ashby… Ennemis, nous étions cependant frères d’armes.
    – Je l’ai vu à Londres et à Westmoutiers. C’est un géant.
    – Quand l’as-tu rencontré ?
    – L’an passé… Je ne l’ai pas approché et c’est à peine, dans l’encoignure où je me tenais, si son regard a glissé sur moi… La belle Jeanne exigeait que je l’accompagne. Elle ne me cachait pas qu’elle voulait me faire épouser un chevalier… C’est pourquoi je m’esseulais… ce qui ne m’empêchait pas d’être assaillie !
    – Que faisais-tu alors ? demanda Thierry.
    – Par une fente de ma robe, à la hanche, j’avais accès à un poignard qui ne me quitta que le soir où Tristan me sauva la vie…
    –  Me délivra serait plus vraisemblable, rectifia Tristan sans fausse humilité. Vous avez contribué, m’amie, à votre sauvement… et au nôtre.
    Luciane lui lança un regard furieux, bien trop courroucé pour qu’il fût sincère. Ogier eut un geste apaisant et reprit :
    – Calveley m’entraîna hors de ses compères et des miens après que j’eus relevé ma ventaille et qu’il m’eut reconnu. «  Nous ne pouvons tenter de nous occire », me dit-il. Je lui répondis que j’en étais d’accord. Je choisirais d’autres adversaires : Goddons ou mercenaires ; il affronterait des Bretons autres que moi, faux Tinténiac. Et je le dis sans amertume :

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