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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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celui d’une jeune louve affamée.
    – Comment était-ce, pour toi, l’Angleterre ?
    – Tu connais la Grande Ile… Je m’y sentais mal, pesante… Une armure de contraintes même si Jeanne de Kent se montrait bienveillante… entre deux effronteries envers moi… Une fois verrouillée la porte de ma chambre, je versais quelques larmes ou bien le sommeil me prenait et je m’évadais ainsi de mes angoisses.
    Ogier demeurait troublé, anxieux. Il se trouvait en présence d’une inconnue qui était à grands traits informée de sa vie et de son caractère et dont il ignorait tout. Tandis qu’ils s’accoutumeraient l’un à l’autre, il devrait, pour ne point la décevoir ou l’indigner, réintégrer sa peau de chevalier, puis son armure. Ce qu’elle révérait en cet homme, présentement, c’était l’illusion : le vaillant guerrier, le champion du roi de France, le vainqueur de Renaud de Cobham dans la lice d’Ashby. Ce qui la désolait, c’était de ne pouvoir appréhender dans les regards dispersés de son père, les êtres disparus, le mobilier détruit, les chiens morts qui avaient eu leurs aises dans cette grand-salle où Guillemette allumait des chandelles : tout ce que ne pouvaient voir ses yeux las et toucher ses mains charnelles.
    – Ma fille, dit-il après avoir hésité, défie-toi de la lumière dont tu m’entoures. Je vais m’employer à conforter ton admiration, mais je ne suis rien d’autre dorénavant, qu’un homme qui consent à réapprendre vivre… pour toi.
    – Je t’y aiderai, père.
    Il devait préférer ce tutoiement à une dévotion melliflue et peut-être fallacieuse. Jeune patricienne déracinée, élevée dans le culte obligatoire de la femme ; plus belle mais la plus futile et la plus dépensière d ’An gleterre, il ne lui demanderait que sa présence et, parfois, son approbation.
    – J’ai connu Jeanne de Kent… En décembre, il a quinze ans.
    – Elle m’a parlé souventefois de toi et de ta cousine Tancrède sans jamais me dire si elle la rencontrait et où elle vivait.
    Pourquoi évoquaient-ils à nouveau cette femme ?
    –  Joan avait de l’amitié pour elle. Sais-tu ce qu’elle est devenue ?
    – Comment le saurais-je ?… Il m’advient d’y penser.
    Ogier allait se livrer à quelque commentaire lorsque sa fille, brusquement, interrogea :
    – Est-il vrai que je ressemble à ma mère ?… Je… J’en doute.
    Tristan les observait avec un intérêt accru. Dans la dénombre pourprée, ils se dévisageaient avec une espèce d’angoisse. Guillemette intervint pour chasser de leur esprit un fantôme importun :
    – On mange… Il n’est que temps… Allons, asseyez-vous !
    Ogier se leva, s’installa en bout de table. Luciane prit place à sa gauche.
    – Vous avez bien le temps de parler de Blandine, dit Thierry en s’asseyant face à sa nièce.
    À l’invitation de Raymond, Tristan s’assit auprès de la jouvencelle, face à l’époux de Guillemette. Paindorge prit place à sa gauche, vis-à-vis de celle-ci.
    – Certes, tu lui ressembles, dit enfin Ogier, mais tu me parais son contraire. Tes regards ne sont pas tournés vers l’intérieur de toi : ils voient ce qui t’entoure. Blandine était lendore, tu es active ; mélancolique, tu es… vraie.
    Thierry approuva en quelques coups de tête. Ogier sourit. Tristan pensa qu’il dominait une maussaderie dont il s’était guéri à Hambye, et qui, depuis son retour à Gratot, avait réintégré, peut-être même réinfecté son esprit.
    « Il me regarde et se demande si elle s’est vraiment entichée de moi. »
    As-tu trouvé, Luciane, chez Tristan, des qualités de cœur insoupçonnables chez un autre ? Guillemette, prompte, demanda :
    – Votre écuelle, messire Ogier.
    Tristan vit son sourire à lui seul destiné. Elle l’avait secouru. Il lui en sut bon gré. Il avait sauvé Luciane. Il avait sauvé Oriabel. Chaque fois qu’il songeait à cette première, il plongeait dans un rêve exalté. Son cœur vide s’encombrait de sentiments abstrais qu’il remuait avec un plaisir enragé tour à tour gai ou triste. À côté de son portrait réel, de sa nature véritable, il avait peint, édifié une Oriabel désespérée. Son lointain modèle correspondait-il maintenant à cette effigie. Il y avait dissemblance entre Blandine d’Argouges et sa fille. Il y avait dissemblance, certainement, entre l’Oriabel enchâssée dans la mémoire de Tristan de Castelreng et

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