Le poursuivant d'amour
hommes qui sont à Montaigny connaissent vos tétons !
– Vous devenez infâme !
– Si j’y portais la main – mais je ne le puis, ayant mieux à faire –, vous pousseriez un soupir d’aise !
Il ne pouvait voir son visage, mais il l’imaginait. Dehors, le feu ronflait avec moins de vigueur. L’eau commençait à en venir à bout. On entendait des craquements : ce devait être ceux de la toiture calcinée qui s’effondrait par quartiers, et les tuiles brisées au sol et sur les décombres fumants faisaient un bruit de cliquette. Les cris des hommes époumonés, ivres de malerage, semblaient faiblir. Lui, Tristan, c’était l’émoi, nullement l’incendie, qui lui cuisait la face.
– Dès que vous sortirez, vous serez un homme mort. Jamais ils ne vous laisseront passer.
– Toute tentative envers moi vous coûterait la vie… Ils tiennent trop à vous pour vous voir trépasser devant eux… par leur faute… Nous allons serrer de près les murs et sortir à reculons par le pont… qui doit être abaissé…
– Vous avez un complice !
– Oui : Dieu !
Elle rit. Il poursuivit :
– Vos gens n’ont pour arme que des seaux, des seilles, des chaudrons. Je doute qu’ils aient des armes à leur disposition puisque c’est l’armerie qui brûle.
– Comment le sais-tu ?… Comment y as-tu mis le feu ?
– Dieu, vous dis-je !… Oyez vos chiens !… Ils sont effrayés… Ils vont avoir de la fumée plein les narines et ne pourront suivre nos traces… Et puis, pourquoi nous pourchasseraient-ils ? Ce serait mettre votre personne en péril de mort… Vous voyez-vous, Mathilde, dévorée vivante par votre meute ?
Il la sentit frissonner.
– N’ayez crainte… Je ne suis pas un monstre comme vous…
Il ne tirait aucun mauvais présage, pour le moment, des propos qu’ils échangeaient. Restait à traverser la cour. Afin d’être aisé dans ses mouvements, il devrait, en hâte, se débarrasser de Mathilde. Ensuite, un grand galop vers le nord ou le ponant, selon ce qu’il verrait devant lui. Il devrait toutefois chevaucher droit jusqu’au Serein dont il remonterait le cours. Si la rivière était peu profonde, il chevaucherait dans l’eau, près de la berge. Le Serein… Un joli nom pour un homme aux abois.
– Avançons. Oh ! Vous voulez vous protéger les seins… Il en est un qui sûrement les a tâtonnés… Bertrand Panazol… Pour quoi remuez-vous ainsi. Est-ce parce que vous écartez les cuisses ?
Elle appuya, plus qu’il n’était nécessaire, les fermes rondeurs de son séant sur le ventre de Tristan, qui s’esclaffa :
– Que croyez-vous ?… Je ne serai pas plus dur avec vous que je ne le suis maintenant !
Le clapotis des sabots de Malaquin l’enchantait. Le cheval semblait tout autant décidé que lui à la course. Panazol le croyait rétif ? Il avait pris trop de coups au dressage. Il les avait oubliés.
Ils franchirent le seuil ; la cour rougeoyante apparut. Les cris et les mouvements cessèrent à cette vision pour le moins inattendue : la baronne demi-nue à cheval dans les bras de son époux.
– Holà, bonne gent !… Si quelqu’un fait un geste, je tue cette larronne !
Le pont était baissé, la herse entrouverte. Les hommes grondèrent.
…… Reculez tous jusqu’au donjon !
Sans hâte, et sur un commandement de Panazol, ils reculèrent, sauf Paindorge, Callœt, Jean, Morsang et Beltrame. Ce dernier s’exprima pour les cinq après avoir lâché son seau et donné, dedans, une escafe 119 qui l’envoya rouler jusqu’à Jabeuf – lequel avait dégainé une dague à large lame qui devait venir d’Italie.
– Messire, en soudoyers prudents, nous ne nous sommes pas séparés de nos armes… Va les chercher, Morsang, et toi aussi, Paindorge…
Ils les avaient placées dans une des tours portières, toutes proches du seuil afin de s’en saisir prestement. Quand Morsang, qui était entré le premier, ressortit tenant des armes d’hast dans ses mains, des épées sous chaque aisselle, il poussait des genoux Hugonin devant lui. Le portier avait un bandeau de drap sur la bouche et les poignets liés dans les reins. Paindorge apparut, porteur d’arbalètes et de carquois, et ravi de ployer sous un tel fardeau.
– Jamais, grommela Mathilde, je n’aurais dû engager ces hommes.
– Je n’ai point sollicité leur aide. Il faut croire qu’ils attendaient, eux aussi, une occasion pour partir. C’est Dieu qui, par leur
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