Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
lieu qui peut-être était un gué puisque l’herbe et la terre portaient des empreintes de roues.
    – Hâte-toi, Malaquin !
    Le cheval avança, de l’eau jusqu’à mi-jambes. Lancinante tentation d’y jeter cette femme dont le séant l’agaçait au lieu que de l’exciter. Mais c’eût été inutilement déshonnête que de lui faire prendre un bain, fut-il d’eau claire.
    – La nuit tombe et j’ai froid, dit Mathilde faussement dolente.
    Il eût pu la dénuder entièrement. À quoi bon. Il se réjouissait de la sentir malheureuse, inquiète et surtout humiliée. Parfois, une branche basse les contraignait à se pencher l’un sur l’autre en avant, chair contre velours, et l’effrontée mettait une ostentation certaine à prolonger plus bas l’adhésion de leurs corps.
    – Où allez-vous me déposer ?… Il n’y a rien, ici, ni maison ni châtelet ni moutier…
    – Je ne le sais… Si quelque seigneur vous trouve, dites-lui que vous êtes une hamadryade.
    – C’est quoi ?
    – Une nymphe. Elle a pour logis un arbre qui meurt avec elle.
    Ils avancèrent ainsi longtemps, dans le clapotis des sabots, sous des arceaux de vertes ténèbres et des lacis de branches mortes où frémissaient de larges toiles d’araignées. Parfois, Malaquin piétinait des cailloux, glissait sur des racines visqueuses ou des vases nauséabondes. Parfois, il semblait qu’il allait s’élancer n’importe où, pourvu qu’il fut sur terre et y pût galoper. L’eau miroitait, s’assombrissait avec la venue de la vesprée. Elle était de loin en loin si froide que le cheval frissonnait des oreilles à la croupe, en remuant furieusement sa tête pour désapprouver ce bain prolongé. Les éclaboussures soulevées par ses sabots répandaient un grésillement pareil à celui du cidre versé dans les hanaps que Tristan se souvenait d’avoir vidés dans les échoppes parisiennes.
    – Jamais, dit Mathilde, je ne vous aurais soupçonné tant de…
    – Tant de quoi ?
    – Tant de cautelle 121 … Mais ne triomphez pas : quand les hommes de Salbris s’en iront, les miens se jetteront à votre ressuite 122 … S’il vous plaît, desserrez votre étreinte.
    Il la déceintura. Prompte, elle fit passer sa jambe dextre au-dessus de l’encolure du cheval.
    – Holà ! Vous allez choir si vous prétendez chevaucher de guingois.
    Un bras frôla son torse. Il sentit les petits ongles pointus s’incruster dans son pourpoint à la hauteur de son épaule dextre tandis que d’un coup de reins qui la déhanchait encore et d’un nouvel enjambement bref, digne d’une bateleuse, Mathilde achevait sa pirouette sans crainte d’effrayer Malaquin.
    – Et voilà, messire. Qu’en dites-vous ?
    Ils se trouvaient vis-à-vis, elle, plus nue encore et ravie de son audace.
    – Il n’y a que vous, Mathilde, pour être si prompte, si agile et si hardie.
    – Je suis bonne chevaleresse.
    – Est-ce la première fois que vous faites cela ?… Pour y parvenir aussi vélocement, il faut, me semble-t-il, une grande habitude.
    Elle baissa la tête. Il ne vit rien d’autre que la raie qui fendait sa coiffure en deux masses bourrues tant les événements l’avaient dépeignée. Cette vision lui en suggéra une autre tandis que Mathilde se laissait aller en arrière, sur le cou du cheval afin d’être vue tout entière.
    – Comment me trouves-tu ?
    Il fit sortir Malaquin de la rivière. Une pente moussue résonna au martèlement lent et dur des sabots. Le soir, bientôt, céderait place à la nuit : tout en haut du chemin, une crête découpait de sa scie ténébreuse un vaste pan du ciel de nacre où transpirait un peu de rose.
    – Parle, Tristan. Comment me trouves-tu ?
    – Je ne puis vous trouver puisque je veux vous perdre.
    Sous la caresse incessante des ombres et des lueurs pâlissantes, les seins fermes dardaient leurs tétins presque noirs. Tristan se renfrogna, trop occupé à soutenir du mors Malaquin pour prêter attention soit à ces mamelles, soit au reste de ce corps que, précisément, il voulait oublier. Il flairait tout à la fois l’odeur de cette chair apprêtée chaque jour aux aromates – myrrhe, muscade, aneth – ou mouillée d’eau de lavande, et celle des feuilles humides et des herbes écrasées. Où allait-il ? Que faire de Mathilde ?
    Elle lut dans son regard qu’il songeait à son sort.
    –  Tu ne vas tout de même pas m’occire !
    Il ne répondit pas, figé dans une passivité de

Weitere Kostenlose Bücher