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Le prince des ténèbres

Le prince des ténèbres

Titel: Le prince des ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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s’avérèrent malheureusement exactes. Au prieuré, Dame Frances n’avait plus que quelques minutes à vivre. La sous-prieure, si imbue de son importance, était perplexe et inquiète. Elle se montrait distraite, dernièrement. Elle ne pouvait se concentrer sur ses prières et suivait souvent l’office divin d’un regard vague, tandis que s’élevaient les chants de ses compagnes. Elle s’était confiée à son amie, qui ne s’était révélée d’aucun secours. Et comment pourrait-elle s’en ouvrir à Dame Amelia ? Non ! C’était hors de question ! Elle contempla la minuscule cuisine du noviciat. Au premier étage, les jeunes postulantes se retiraient dans l’immense dortoir. Chacune s’agenouillait dans sa cellule cloisonnée et recommandait son âme et son coeur à Dieu, en priant pour que Satan, qui rôdait comme un lion en chasse, ne profite pas de la nuit pour s’emparer de son corps ou de son esprit.
    Dame Frances s’assit sur un tabouret, le visage dans les mains. Ce qu’avait déclaré ce clerc à l’air rébarbatif devait avoir un rapport avec la mort de Lady Aliénor, voire avec celle de Dame Martha. Dame Frances avait vu la devise Noli me tangere , ici, à Godstowe, mais ne se souvenait pas où, ni quand. Devait-elle s’enfuir du prieuré ? Aller à Westminster et demander audience à Corbett ou à l’un des officiers du roi ? Mais à qui pouvait-elle se fier ? Gaveston avait des espions partout. Le mot d’esprit qui circulait disait vrai : « L’Angleterre a trois rois : le vieil Edouard, son fils et Gaveston. » Elle regarda sans les voir les bûches crépitantes dans l’âtre. Peut-être devrait-elle attendre, son esprit était si las ! La nuit lui porterait conseil et, demain, elle mettrait un projet sur pied !
    Elle se leva, prit un seau et s’arrêta, le coeur battant la chamade. Elle avait entendu du bruit dehors. Quelqu’un l’observait-il ? Ou n’était-ce que le bruissement des feuilles poussées par le vent dans l’herbe ? Elle s’approcha du feu en récitant une courte prière pour que tout se passât bien. Elle priait encore en vidant le seau sur les bûches, mais son murmure se changea en un cri terrifié quand les flammes bondirent du foyer, coururent dans la cheminée et s’emparèrent de son habit. En un rien de temps, elle était devenue une torche humaine.
    À quelques lieues de là, les autres acteurs du drame macabre se préparaient à endosser de nouveaux rôles, à amender leurs répliques. Dans sa chambre drapée de velours, Piers Gaveston était étendu sous le ciel en soie de son grand lit à baldaquin. Il se mordillait les lèvres en se demandant quelle serait la suite des événements. Il avait confiance en son espion de Londres. Corbett était allé fureter dans la capitale et avait déniché une pièce de choix en rendant visite à son vieil ami de St Barthélémy et à l’empoisonneur de Faltour’s Lane. Gaveston avait ordonné l’exécution de l’apothicaire qui en savait trop. En outre, il ne s’expliquait pas pourquoi Lady Aliénor n’était pas morte avec ces poudres. Julio César lui avait juré que quiconque en prenait perdait ses forces petit à petit et mourait d’une cause apparemment naturelle. Il avait menti et Lady Aliénor avait été assassinée d’une autre façon. Que devrait-il faire ? Gaveston regarda le jeune page qui tenait un gobelet de vin dans ses petites mains blanches. Le favori se redressa et se saisit si brusquement du gobelet que le vin se répandit sur ses chausses de soie multicolores. Il se retourna, fou de colère, et gifla le visage boudeur et efféminé.
    — Dehors, rugit-il, dehors ! Va apprendre plutôt comment servir un lord !
    Le page s’enfuit en frottant sa joue en feu tandis que Gaveston sirotait sa boisson. Si seulement Corbett n’avait pas fourré son vilain nez dans cette fichue affaire ! Le favori parcourut la chambre d’un regard morne. Il ne devait pas négliger Corbett, c’était un homme avec qui il fallait compter ! Devrait-il s’en faire un ami ? Gaveston se mordit la lèvre. Peut-être, dans l’avenir ! Le vieux roi arrivait dans le Sud à marche forcée, accompagné des seigneurs grisonnants qui le suivaient pas à pas, comme des chiens de garde. Gaveston savait à quel point ils le haïssaient. Si seulement le vieux roi mourait ! En attendant, il lui faudrait amadouer le prince : il avouerait tout, tomberait à genoux, se prétendrait son esclave et lui

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