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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Roi, et tous ceux qui étaient là le
saluèrent au plus bas sans recevoir d’autre réponse qu’une roide inclinaison du
chef.
    — On murmure, me dit Laugnac,
me lançant par-dessus l’épaule un bras affectionné, que my Lord Stafford est
venu proposer à Sa Majesté l’ordre de la Jarretière que la Reine Elizabeth veut
lui conférer, mais seulement s’il y consent. Êtes-vous apensé que ce soit
vrai ?
    — Ah ! Laugnac !
dis-je, qu’en pourrais-je apenser ? Vous en savez là-dessus plus que
moi !
    — Cependant, dit Laugnac avec
un sourire, on vous a vu converser avec Lady Stafford chez la maréchale de
Joyeuse !
    — Laugnac, dis-je en lui
rendant son sourire, qui n’aimerait, dans les occasions, s’entretenir avec une
tant haute et belle dame dont la vertu, de surcroît, est une beauté de
plus !
    Là-dessus, il me quitta,
contréchangeant nos sourires encore, et me laissant fort incommodé de ses
inquisitions et fort doutant du bien-fondé de sa neuve faveur. Pour moi qui
sers mon bien-aimé souverain depuis plus de dix ans, je n’ai guère fiance, à
dire le vrai, en ces courtisans qui, en dix mois, gagnent l’amitié d’Henri,
m’apensant qu’ayant monté comme l’écume, il se pourrait qu’ils en aient la
consistance, et que leur dévouement ne soit que bulle, laquelle, étant mi-air
mi-eau, crève au premier souffle contraire.
    Le Roi, qui avait reçu l’ambassadeur
d’Angleterre en son privé – ce qui fit fort jaser et conjecturer les
guisards du dépit de n’avoir pas là quelque oreille à la traîne comme dans les
audiences publiques – me fit appeler vers les dix heures et entrant dans
le vif tout de gob, me dit :
    — Siorac, si ce mémoire dit
vrai, il est de la plus grande conséquence. Mais l’est-il ? Quid de
ce L e o, ou Mosca, ou Poulain ?
    — Sire, c’est le plus vénal
coquin de la création. S’il advenait qu’on eût voulu acheter sa mère, il la
vendrait.
    — Il se pourrait donc qu’il ait
menti…
    — Il se pourrait. Toutefois,
Sire, j’opine le rebours. Pour deux raisons : pour ce qu’il a soi
incriminé quant aux achats d’armes ; pour ce qu’il a dévoilé aussi le
projet de saisir Boulogne. Or cette saisie, si elle n’est pas fable, ne peut
qu’elle n’apparaisse un jour.
    — C’est raison parler, dit le
Roi. Il faut, de toute guise, y parer d’avance et prévenir M. de Bernay qui
commande à Boulogne. Mais comment le peux-je sans ébruiter l’affaire et faire
fuir nos rats ? Il n’y faudrait pas les voies ordinaires, mais le secret
et le sous-main.
    — Sire, dis-je, commandez, j’y
vole ! Ainsi, il n’y aura que vous et moi à en connaître.
    — Ha, Siorac ! dit Henri,
que j’aime ton zèle à me servir, et que je t’en suis affectionné ! Mais je
ne veux point te mettre derechef à si grand péril. Ils t’assassineraient à la
fin.
    — Aussi n’irai-je point à
visage découvert, Sire, mais sous la déguisure d’un marchand.
    — D’un marchand ! dit le
Roi, que cette idée parut excessivement ébaudir, et que vendrais-tu en
Boulogne ?
    — Des bonnets, Sire.
    — Des bonnets ? dit le Roi
en riant. D’homme ?
    — Non point, Sire, de dame.
J’ai ouï dire que M me de Bernay était jeune et belle et je gage
qu’ayant son logis en Boulogne, elle sera fort friande des affiquets à la mode
qui trotte en Paris.
     
     
    Je m’étais prou avancé quant à ces
bonnets, pour ce que je fus à grand’peine et labour à persuader Alizon à
m’accompagner, laquelle ne voulait point quitter boutique pour un temps si
long, encore qu’elle eût toute fiance en son premier compagnon, lequel n’était
autre que ce Baragran qu’elle avait connu du temps du chiche-face Recroche et
engagé à la mort d’ycelui, maugré qu’elle se fût querellée quasi dix ans avec
lui, étant attelés au même joug par le même écorcheur, avant que de marier soi
à un maître bonnetier-enjoliveur, lequel avait passé à Dieu ces deux ans
écoulés. Le sujet de sa querelle avec Baragran, c’est qu’elle l’estimait par
trop pliable audit Recroche qui était tant pleure-pain qu’il eût tondu un œuf.
Mais une fois qu’elle fut maîtresse, ce qu’elle tenait pour servilité en ce
pauvre Baragran devint obéissance, fidélité et probité à ne pas lui faire tort
d’un liard. Et l’aimant fort pour ses rares qualités, elle l’eût marié, je
gage, si elle ne se fût jugée fort au-dessus de lui, étant si

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