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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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sa démarche, comme il me précédait
dans les escaliers, avait déjà reçu le châtiment que sa maîtresse, pour avoir
osé toussir en sa présence, lui avait infligé. Et m’apensant, quant à moi, qu’à
peine avais-je été mieux traité que lui, et que tout roturier qu’il fût et moi,
noble, nous étions, pour ainsi parler, compagnons d’infortune, j’éprouvai le
soudain désir de le lui faire entendre, et le rattrapant, je lui glissai un écu
dans la main et lui dis à voix basse :
    — Franz, voici pour te
conforter d’avoir été fouetté à mon occasion.
    — Ha ! Monsieur le
Chevalier ! me dit le géantin valet en me jetant un coup d’œil étonné, la
merci à vous ! Je reçois céans plus de coups que d’écus, mes gages ne
m’ayant pas été payés d’un demi-an. Non que les pécunes manquent en cette
maison, mais elles vont toutes aux curés, aux gens de guerre et aux armes. La
merci encore à vous, Monsieur le Chevalier ! poursuivit-il en m’envisageant
d’un œil tant bénin que naïf. Vous avez si bonne face que j’eusse été bien
marri qu’on me commandât de vous daguer.
    — Quoi ? dis-je à voix
basse, cela arrive-t-il ?
    — Ha ! Monsieur !
Plus souvent que je n’aimerais en conscience le faire ! Encore que notre
bon chapelain m’absolve à chaque fois ! N’empêche, il m’en remordit quand
et quand.
    Je me sentis infiniment soulagé, au
saillir de l’hôtel de Montpensier, d’échapper aux glacés regards de ces deux
impiteuses gorgones, et de retrouver mon gentil Miroul m’espérant, quasi
désespéré, sur le pavé, durant les deux grosses heures que je fus soumis à ces
Inquisiteuses, lesquelles, par zèle et partialité, avaient transformé leur
noble maison en atelier de fausses nouvelles et d’assassinements. Tant il est
vrai que de Blanche de Castille à Catherine de Médicis et à la Montpensier, la
femelle de l’homme est tout aussi redoutable que le mâle, quand elle s’applique
aux affaires de l’État, ayant abandonné pour elles les doux arts de l’amour.
Car, pour ce qui s’était passé de la duchesse à moi sur cette fiévreuse et
sueuse coite, il ne mérite certes pas ce beau nom que je viens de dire, et me
donnerait plus à gémir qu’à m’atendrézir, si j’étais de nature pleurarde. Mais
telle n’est pas ma complexion, et bien plutôt aimerais-je à rire de cette
insatiable gloutonne qui avalait par tous les bouts les hommes et les
drageries.
     
     
    Je revins quasi courant à mon logis,
sourd aux questions de mon Miroul, à qui je ne fis, dans le clos de mon petit
cabinet, qu’un récit incomplet, taisant, et le besognement de la duchesse, et
la roberie de la lettre, pour ce que je ne pouvais expliquer celle-ci sans
conter celle-là, et ne voulais pas mettre mon Miroul au péril de partager ces
secrets. Et m’avisant, tandis que je parlais, que des fenêtres de
l’Aiguillerie, laquelle était vide encore, on me pouvait arquebuser, non
seulement à ma porte, mais en mon cabinet même, pour peu que mon fenestrou fût
ouvert, j’envoyai incontinent mon Miroul s’enquérir qui possédait, et l’échoppe
et le logis dessus, et s’il trouvait le quidam, de les lui louer, son prix
étant le mien.
    — Ha ! Moussu ! cria
Miroul, son œil marron s’égayant, vous n’y pensez pas ! Son prix étant le
vôtre ! Devenez-vous papiste de cœur à dépenser à tout va vos
clicailles ? Je barguignerai, vous pouvez en être assuré ! Et vous
l’aurez au meilleur coût, comme huguenot qui se respecte, dussé-je y passer le
jour !
    Bon prétexte, m’apensai-je, pour
muser en Paris, l’affaire dextrement conclue.
    — Et qui y mettrez-vous,
Moussu, une fois que vous l’aurez ? Car il faut un fil à cette aiguille,
sans cela elle ne pourra coudre et renforcer vos sûretés, devenant pour votre
logis une sorte de châtelet d’entrée, ou de tour de guet.
    — Je ne sais, dis-je, impatient
qu’il s’ensauvât pour lire la lettre qui me brûlait la poitrine.
    — Mais moi, dit Miroul avec un
air d’immense conséquence, j’ai là-dessus quelques petites idées, lesquelles je
vous dirai, à moins que je ne les taise, comme m’est avis que vous avez fait
pour d’aucunes choses qui se sont passées ces matines en l’hôtel de
Montpensier. Sans cela auriez-vous les yeux si reluisants ?
    — Mais rien, mon Miroul,
dis-je, l’œil baissé, rien. Je ne t’ai rien celé. Va ! Va ! Et cesse
de m’inquisitionner, toi

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