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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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menaçait de me défaillir : ce que je fis quand et
quand, et qui passa quasi inaperçu dans le remuement qu’elle se donnait et qui
était si venteux et tracasseux que je ne saurais en donner idée, l’oreille me
bourdonnant des soupirs et gémissements qui accompagnaient ses fureurs.
    Immobile et tendu au mitan de cette
tempête qui se faisait autour de moi, sans que j’eusse licence d’y participer,
et au surplus, fort incommodément habillé quant au haut, étouffé, par ma
fraise, serré dans mon pourpoint, et sentant derrière mon dos ma dague à
l’italienne dont le fourreau m’entrait dans l’omoplate (Ha ! que j’eusse
aimé, si mon humaine complexion n’y eût été si contraire, poignarder d’acier,
et non de chair, cette ennemie de l’État !) je laissai mon attention errer
sur les alentours, admirant le prodigieux désordre de cette coite où
s’amoncelaient les coussins, quand mon œil étant attiré par un papier écrit qui
passait à demi hors d’un oreiller sous lequel il s’était réfugié (pour
échapper, je gage, à la dévastation générale) je le tirai subrepticement de la
main hors sa cachette et ne reconnaissant pas, à vue de nez, l’écriture de ma
déchaînée ménade, j’en lus quelques mots qui me persuadèrent qu’il s’agissait
de ce brouillon d’Henri de Guise que la duchesse croyait brûlé, et tout soudain
refermant ma main sur lui, le pensement que j’eus aussitôt de le rober, et
l’inouï péril qu’il y avait à le faire, se présentant à la fois en mon esprit,
à peu que je ne faillis tout à plein à la roideur qu’on attendait de moi,
laquelle je ne rattrapai que de justesse par les mouvements que j’ai dits, la
sueur me ruisselant dans le dos et de la joie de ma trouvaille, et du danger où
je me fourrais derechef, alors qu’à peine je saillais de celui de Boulogne.
    Autant que j’en peux juger, la
Montpensier fut une grosse demi-heure à venir au bout de ses orages, ce qu’elle
fit avec des huchements tant aigus qu’on les pouvait ouïr, je gage, de l’autre
bord de la rivière de Seine, huchements accompagnés de convulsions de corps que
je m’apensai ne jamais finir, mais s’accoisant et s’aquiétant tout soudain,
elle ouvrit son œil bleu acier et des deux mains me repoussant hors d’elle-même
avec force (sans que je pusse, achevant mes efforts, en récolter le fruit) elle
me fit choir sur la coite et se levant, tira la custode du lit et s’en fut.
    — Madame, criai-je, comme
indigné, où allez-vous ?
    — Rien que pisser, dit la
duchesse.
    Ce qui, pour malgracieux que ce fût,
et de fait et de verbe, me donna du moins le temps de fourrer la lettre robée
en une poche de mon pourpoint : Ce que je fis avant même de rehausser et
de reboutonner mes chausses.
    J’achevai à peine quand
réapparaissant, la Montpensier (Frédérique sur ses talons) sembla quasi étonnée
de me voir là.
    — Quoi ? dit-elle, l’air
fort mal’engroin, vous encore ?
    — Madame, dis-je avec un salut,
j’attendais mon congé.
    — Le voici, dit-elle en me
tendant roidement la main tout au bout de mon bras. Savez-vous,
poursuivit-elle, passant tout soudain de la poule à l’ânesse, que le Roi a eu
le front de dire tout haut en sa Cour qu’il me jetterait au feu, si je
continuais à inspirer des prêches contre lui. Eh bien, Monsieur ! Vous qui
êtes fidèle, contre l’intérêt du royaume, et le vôtre propre, à ce bougre de
Roi, dites, Monsieur, dites de ma part à ce bougre que c’est les sodomites
comme lui qu’on brûle sur les bûchers, et non pas moi.
    Ayant dit, elle me tourna le dos, et
s’asseyant à un petit secrétaire, elle se remit furieusement à ses écritures,
comme si elle eût repris des forces à les épuiser.
    Frédérique, sans piper mot, me
conduisit au petit salon où La Vasselière, qui m’attendait, m’envisagea d’un
air fort froidureux et me dit :
    — Monsieur mon cousin, ne vous
flattez pas de l’espoir d’avoir gagné la faveur et la protection de la duchesse
par le petit service que vous lui avez rendu, lequel elle ne demande jamais
deux fois à la même personne, que celle-ci soit noble ou de naissance basse.
Vous êtes vivant. Tenez-le pour essentiel. Et n’allez pas parader ces amours à
la Cour, si vous le voulez rester.
    — Madame, dis-je en lui faisant
un profond salut, je me ramentevrai vos avisés conseils.
    Sur quoi elle me remit entre les
mains de Franz, lequel, à ce que je vis à

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