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Le Prisonnier de Trafalgar

Le Prisonnier de Trafalgar

Titel: Le Prisonnier de Trafalgar Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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glisser. Chaque jour, des navires quittaient Portsmouth pour aller patrouiller à proximité des côtes de France. L’occasion pouvait se présenter de trouver une embarcation pour tenter la traversée. Topolino, qu’il rencontrait de temps en temps, se faisait fort d’avoir des relations avec des patrons de pêche qui profitaient de l’espèce de franchise accordée de part et d’autre aux pêcheurs pour se livrer à la contrebande et à d’autres trafics illicites. Ce que des Français comme le patron Calisson faisaient contre leur pays, des Anglais étaient bien capables de le faire. En Ecosse, près de quatre cents milles le sépareraient du continent.  
    — Je vous suis très reconnaissant, sir, dit-il, mais je ne puis accepter ainsi. Il faut que je réfléchisse.  
    —  Of course, of course, sailor ! Prends ton temps. Tu me trouveras toujours ici ou au cantonnement du 87 e d’infanterie.  
    Les jours passèrent et Hazembat ne se décida pas. Noël vint et il y eut chez Mrs Merriman, la mère de Betty, une petite fête avec tous les hôtes. On mangea de l’oie rôtie et du plum-pudding. Bien que Mrs Merriman fût une stricte abstinente, elle ferma les yeux sur quelques pichets d’ ale apportés de l’auberge voisine. Hazembat ne leva pas son pot au roi George  I II, ni à la confusion de Bonaparte et personne ne parut lui en vouloir, mais il trinqua volontiers à la marine britannique contre laquelle il n’avait rien d’autre qu’une guerre qu’il n’avait pas voulue. Dans l’atmosphère chaleureuse de la petite salle à manger, il se sentait envahir par une torpeur bienheureuse. Betty qui servait à table rayonnait d’une joie si pure et si confiante qu’il éprouvait pour elle un élan de tendresse qui lui serrait le cœur.  
    Les Long Rooms étant fermées le dimanche, c’est ce jour-là qu’Hazembat allait se présenter au ponton. D’habitude, c’était une formalité qui durait à peine quelques minutes. Or, le troisième dimanche de janvier 1808, il arriva tard dans l’après-midi au moment où une allège débarquait un contingent de prisonniers. Les marines les faisaient aligner le long des coursives. La plupart avaient l’air exténués. Un des gardiens qu’il connaissait lui expliqua qu’ils avaient été capturés dans l’escorte d’un convoi qui tentait de sortir de la Gironde pour gagner l’Espagne. Intéressé, Hazembat fit courir son regard sur les visages aux traits tirés pour voir s’il reconnaissait quelqu’un.  
    Ce furent les yeux d’un tout jeune matelot qui l’arrêtèrent. Il devait avoir quatorze ou quinze ans tout au plus. C’étaient des yeux d’un gris-bleu métallique comme, à Langon, seuls en avaient les Escarpit. Les cheveux étaient châtain clair, tirant sur le blond, et la mine était renfrognée. Il s’approcha.  
    —  E n’es pas un Escarpit, tu ? demanda-t-il. L’autre le regarda, les sourcils froncés.  
    — Si, je suis Michel Escarpit, le fils de Bernard qu’on dit Bourrut.  
    — Tu ressembles à ton grand-père, Michelot de Coimères. Ton père va bien ?  
    — Il est lieutenant sur une frégate, en Méditerranée. Et toi, qui es-tu ?  
    — Je suis Bernard Hazembat.  
    Le jeune matelot ouvrit de grands yeux.  
    — Tu n’as pas été tué à Trafalgar ?  
    — Eh non, comme tu vois.  
    — Je ne t’aurais pas reconnu. J’étais encore au maillot quand tu t’es embarqué pour la première fois.  
    — Ça va faire quatorze ans bientôt.  
    — Moi, ça ne fera même pas trois semaines, hilhdeputa ! Je me suis engagé au début de l’année et je me suis fait prendre à ma première sortie !  
    — Il y a longtemps que tu étais à Langon ?  
    — Il n’y a pas un mois.  
    — Est-ce que tu sais comment vont mes parents ?  
    — Ils te croient mort. Tout le monde dit que ta mère a eu beaucoup de courage, mais ton père a vieilli de dix ans.  
    — Et Jean Rapin qu’on dit Jantet, il a survécu ? Les yeux de Michel Escarpit se détournèrent, soudain assombris.  
    — Oui. Il lui a fallu un an pour se remettre de ses blessures. Maintenant, il va bien.  
    — Bien, comment ?  
    — Suffisamment pour se marier.  
    — Il s’est marié ? Avec qui ?  
    Il connaissait la réponse. Il voulait seulement l’entendre, découvrant soudain qu’il l’avait toujours su. C’était ainsi que devaient se passer les choses. Michel Escarpit le regarda de ses yeux calmes et

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